vendredi 20 janvier 2017

Blanche Neige : Un baby-catting pathologique


Vous êtes jeunes parents, votre enfant est un trésor, c'est le centre du monde. Vous êtes prêts à tout pour lui. Surtout quand il y a quelque chose qui cloche et qui vous met de mauvais poil. Vous êtes même prêts à rendre visite à des pâtées de médecins aux spécialités qui fleurent bon l'angoisse parentale : orthophonistes, psychiatres... Bref, vous êtes prêts à sortir le grand jeu, et même vos griffes.

Et pourtant. Il serait si simple de respecter la morale de cette nouvelle rondement contée et au final flippant : n'appelez jamais votre chat Blanche Neige s'il a le pelage noir ; ne laissez jamais votre enfant seul avec un chat noir qui s'appelle Blanche Neige.

Voilà, vous appliquerez ça matin, midi et soir. Pendant une vingtaine d'années, ça devrait suffire. Ça fera 60 euros pour cette consultation. Mais pour vous je la fais à 0,99 euro.

Blanche Neige, de Ségolène Roudot. Ed. L'Arlésienne. 2017. 

dimanche 15 janvier 2017

Parfaites : Adrénaline et ballerines


Deux jeunes filles violées dans une violence extrême, des familles qui ne veulent pas porter plainte pour ne pas nuire à la réputation de leurs futures ballerines étoiles et des frères qui semblent totalement indifférents au sort de leurs sœurs. L’inspecteur Julie Bergeron doit essayer de retrouver un agresseur en ne pouvant compter sur le témoignage des jeunes filles agressées, jusqu’au jour où une jeune fille est retrouvée presque morte dans le Vieux Port de Montréal, enroulée dans un vieux tapis. Julie a déjà subi une telle agression il y a plus de 20 ans. Est-ce que son agresseur a été remis en liberté et recommence son jeu macabre avec des adolescentes ? L’inspecteur Bergeron jonglera entre sa vie personnelle, ses souvenirs douloureux et le mutisme des jeunes filles et de leurs familles pour trouver le coupable de ces agressions d’une extrême violence. Un roman au style concis avec beaucoup de dialogues et d’action, présentant les dangers d’internet pour les adolescents. L’interlocuteur peut prendre à la lettre les messages de haine…

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On grimace à lire ce qu'ont subi ces malheureuses jeunes filles, violées et atrocement torturées. On a le sang qui bout et des envie de coller des beignes à leurs parents, qui nient la gravité des faits parce qu'il faut sauver la carrière de leurs enfants, parfaites ballerines en formation, parfaites futures stars du tutu. On compatit aux affres de l'inspecteur Bergeron, qui mène l'enquête avec cette part de combat personnel de celle qui a subi ce qu'ont subi les victimes. On se lance, avec elle, sur de fausses pistes, on soupçonne à tort, on attend la victoire du bien sur le mal, de la raison sur la folie. Résultat on avale ce polar au plus vite, non par volonté - car il est fort bien écrit -, mais par nécessité - car on le vit et qu'on veut savoir, car il faut savoir.

Alors bien sûr les esprits chagrins noteront qu'il y a parfois des hasards miraculeux, des coïncidences faciles, des retournements rapides. Mais peut-on, en ce monde tordu, avoir du plaisir à se laisser porter, à se laisser envahir par quelques doses d'adrénaline, sans se voir reprocher de s'adonner à cette drogue naturelle ? C'est du très bon polar, et j'en recommande la consommation.

Parfaites, d'Isabelle Larocque. Editions L'Arlésienne. 160 pages. Décembre 2016. Pour se procurer cet ebook, consulter ce lien

samedi 14 janvier 2017

S'enfuir, récit d'un otage : Un lit, un radiateur, un homme attaché



En 1997, alors qu'il est responsable d'une ONG médicale dans le Caucase, Christophe André a vu sa vie basculer du jour au lendemain après avoir été enlevé en pleine nuit et emmené, cagoule sur la tête, vers une destination inconnue. Guy Delisle l'a rencontré des années plus tard et a recueilli le récit de sa captivité – un enfer qui a duré 111 jours. Que peut-il se passer dans la tête d'un otage lorsque tout espoir de libération semble évanoui ? Un ouvrage déchirant, par l'auteur de "Pyongyang", de "Shenzhen", de "Chroniques birmanes" et de "Chroniques de Jérusalem".
(Présentation éditeur)

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Une BD de 430 pages pour raconter l'histoire vraie du quotidien d'un otage qui va vivre 111 jours enfermé dans 15 à 25 mètres carrés (selon les périodes), le poignet menotté attaché à un radiateur ou à un anneau scellé au sol. Un homme qui bouge peu, donc, sauf quelques pas accompagnés pour se rendre aux toilettes ou un quart d'heure sans entraves le temps de prendre un repas plus liquide que solide. Son environnement est restreint : une couche, un radiateur, une fenêtre quasiment obstruée. Et rien d'autre. Rien dans le quotidien pour occuper le temps. Rien dans la pièce pour distraire les yeux. Tout est dans le détail qui rompt la monotonie : des bruits sourds contre les murs, les éclats de voix inhabituels, les sons de la rue. Le rayon du soleil qui parvient à se glisser entre deux planches qui recouvrent la fenêtre. Et ce qui bouge dans la tête : les pensées, les réflexions, les interrogations, les hypothèses de l'otage qui ne sait pas pourquoi il est là, pour combien de temps, si on pense à lui... "Etre otage, rapporte-t-il, c'est pire qu'être en prison. En prison, tu sais pourquoi tu es là et à quelle date tu vas sortir. Quand tu es otage, tu n'as même pas ce genre de repères. Tu n'as rien."

Quatre cents pages d'un vécu monotone - sauf le début avec l'enlèvement et la fin avec la fuite - et le lecteur reste (sans mauvais jeu de mot)... captivé. Il est vrai qu'on a affaire à Guy Delisle, un auteur coutumier des narrations sereines de situations difficiles (voir notamment les Chroniques de Jérusalem). Narration sereine certes, à partir d'entretiens que l'auteur a tenus avec l'ex-otage, mais derrière les dessins chargés de la langueur monotone d'un temps qui passe trop lentement, on ressent la violence de la situation d'un individu qui n'en est pas un aux yeux des ravisseurs. Qui n'est plus qu'une marchandise à vendre très cher sur le marché. Pas de violence physique, pas de maltraitance. Juste la violence d'être privé de liberté de façon arbitraire, et c'est déjà beaucoup. Pas non plus de revendication politique évoquée dans cette histoire, et c'est tant mieux, car aucune cause ne peut reposer sur le déni de l'individu, sauf à vouloir ériger un pouvoir totalitaire. L'otage a su résister dans sa tête pour rester un humain, il a su s'enfuir, c'est l'essentiel. Narration sereine, témoignage suffoquant, mais à la fin, on respire.


La page 77



S'enfuir, récit d'un otage. De Guy Delisle. Ed. Dargaut. 2016.

mardi 10 janvier 2017

Glacé : A regarder frappé

Je serais vous je testerais. L'intrigue est intrigante, l'image est belle, les acteurs ont du chien et pourtant ça commence par le meurtre d'un cheval (lol mdr ptdr). Et il est question d'un asile psychiatrique avec un des internés particulièrement frappés (dans une série qui s'appelle Glacé, vous voyez le lien ? lol mdr ptdr). Bon mais blague à part c'est vraiment pas mal. 






vendredi 6 janvier 2017

Le Dernier Assaut : Replonger les yeux dans le cambouis


Pour le contemporain qui n'aurait pas encore compris l'horrible boucherie qu'a constituée la guerre 14-18, Tardi remet ici un coup de baïonnette (final ?) sur notre mémoire collective. Il suit Augustin, un "branco" un peu paumé sur le champ de bataille, qui invite le lecteur, au gré de ses rencontres et de ses pensées, à replonger dans les rapports de force géopolitiques de l'époque, à voir l'implication de tant de peuples du monde - du Néo-zélandais au Britannique en passant par l'Africain colonisé - sur des terrains de bataille de dimension si petite, à s'insurger contre les plans meurtriers d'un état-major dépassé par l'histoire, à toucher modestement du doigt à quel point les souffrances des soldats lourdement blessés, amputés ou gueules cassées, pouvaient leur faire regretter de ne pas être morts. 

Au passage Augustin nous fait découvrir le bataillon des "bantams", composé de soldats britanniques de taille inférieure à 1,60 m. Et nous fait réfléchir sur les battements d'ailes des papillons et leurs conséquences sur les ouragans : une scène montre Augustin hésitant à "tirer dans le cul" d'un soldat allemand en train de pisser, qu'il tient en ligne de mire. Il s'abstient finalement de tirer dans le dos de l'ennemi. Pas de bol, le boche n'est autre que le soldat Hitler. 

Pour son dernier assaut contre la boucherie 14, Tardi accomplit une nouvelle oeuvre qui donne envie de ressortir les albums précédents. Replonger les yeux dans le cambouis, pour assainir la mémoire. 

La page 77 (et 88)



Le Dernier Assaut, de Tardi. L'album contient également un CD de chansons liées à la guerre interprétées par Dominique Grange. Editions Casterman. 2016.