vendredi 28 avril 2017

Saint-Barthélémy, "Tuez-les tous !" : A lire car le cauchemar prend chair



Paris, 24 août 1572, cinq heures du matin. Le tocsin de l’horloge du Palais donne le signal du massacre. Aucun huguenot ne doit survivre à cette journée placée sous le signe de la colère de Dieu.
La fureur s’empare des catholiques qui tuent à tour de bras hommes, femmes et enfants. Charles IX tente de reprendre la main sur une situation qu’il a lui-même provoquée mais assiste, impuissant, au carnage.
Elie Sauveterre, jeune protestant, tente d’échapper à la mort et de rejoindre son roi, Henri de Navarre, reclus au Louvre. Son chemin croise alors celui de son jeune frère Clément, devenu catholique fanatique à la solde du duc de Guise…

(présentation éditeur)

Voici le deuxième tome d'une série de trois albums sur le massacre des protestants lors de la Saint-Barthélémy à Paris, en 1572. La chronique que j'avais écrite à l'occasion du premier tome, je n'en enlève rien aujourd'hui, c'est pourquoi je la rappelle ci-dessous. J'ajouterais juste que dans cette période actuelle bien pourrie, avec un Front national aux portes du pouvoir, il est bien de se rappeler à quel point la haine attisée par certains secteurs politiques extrémistes a, de tous temps, pu conduire à des malheurs, des larmes et du sang. Je ne sais pas si le Front national au pouvoir lancerait le "peuple" dont il se croit le porte-parole sur une tuerie du même ordre, contre les musulmans, les homosexuels ou tout autre bouc-émissaire. Je ne sais pas si Le Pen lancerait "Tuez-les tous" comme le pouvoir royal l'avait crié en 1572. Mais quand on réveille la bête immonde, elle est prête à bondir, à massacrer, à diviser, à rendre une partie des gens cons et dangereux. Dans le contexte actuel, la lecture de cet album fait écho à des cauchemars qui pourraient bien prendre chair. Cette BD, il faut la lire tant qu'il est encore temps.

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Chronique du 24 octobre 2016 sur le tome 1 de Saint-Barthélémy

Imaginez une religion minoritaire qui fait peur parce qu'elle est en expansion, qu'elle semble remettre en cause des équilibres sociaux ancestraux, qu'elle vient de "l'étranger", qu'elle est ingérable parce qu'elle n'a pas de hiérarchie, qui suscite la haine... Ne cherchez pas : on parle ici du protestantisme au 16e siècle. L'intolérance contre la Réforme est vive de la part des catholiques ultra-majoritaires. Les guerres de religions ont commencé. Elles sont motivées en apparence par les raisons de l'âme. Elles sont surtout gonflées par les colères sociales du moment, excitées et orientées opportunément par les puissants de ce monde selon leurs intérêts politiques. Jusqu'au tragique, jusqu'au massacre. 

Temps réel
Le tome 1 de Saint Barthélemy (qui devrait compter trois épisodes) est une excellente BD qui relate l'événement sanglant du même nom : le massacre des protestants de Paris un soir d'été. L'intrigue est bien rythmée, en collant au temps réel pendant l'essentiel de l'ambum. 
En focalisant sur ce moment terrible, la BD en profite pour faire un point d'histoire, mais aussi pour interpeller le lecteur sur la violence et la barbarie que peuvent revêtir les conflits religieux et l'intolérance. Que le lecteur se contente de lire une BD historique sur les massacres d'une nuit parisienne, et il aura raté le meilleur : la dénonciation de l'intolérance, qu'elle soit d'extrémisme religieux ou philosophico-laïcarde - deux tendances hélas croissantes de nos jours et reposant sur les mêmes piliers : identité communautaire, prétention, volonté de domination, exclusion. 
Il a suffit d'une étincelle sur les brindilles séchées par de mauvaises récoltes, des guerres meurtrières et des paix insatisfaisantes, des conflits politiques et des tensions géopolitiques, des incompréhensions religieuses et le recours aux bons vieux boucs émissaires, pour que le massacre de la Saint-Barthélémy se produise. Aujourd'hui certains ingrédients sont de nouveau dans la marmite. Gageons que l'étincelle qui jaillira sera cette fois-ci celle de l'intelligence, favorisée par la laïcité, contre la barbarie qui pointe son nez sous le regard gourmand de certains apprentis sorciers politiques. 

La page 6


Saint-Barthélémy - Tome 2 "Tuez-les tous !".  Pierre Boisserie, Eric Stalner. Editions Les Arènes. 2017.

samedi 1 avril 2017

Revue Dessinée de printemps : De quoi choquer, s'interroger, grandir, s'engager


C'est une honneur de tenter de déployer une art, celle de porter critique sur un ou plusieurs images, ceux, en particulier, qui composent ce nouveau numéro de la Revue Dessinée. Malmener ce dernier serait un erreur, voire un insulte, un ombre sur mes pensées, que dis-je, un affaire bien plus grave que celui qui frappe certains candidats à la présidentielle !

Non, je n'ai pas viré Jane Birkin. Ce paragraphe est écrit en respectant le genre des mots tels qu'il était avant que les vieux cons de l'Académie française les dévoient au 17e siècle. Car oui, déjà à l'époque, ces vieux cons sévissaient, et oui, ils l'étaient déjà, vieux et cons. Pour décider que des mots porteurs de force et de puissance devaient être masculinisés, et les mots "mols" féminisés, il en fallait une sacrée couche. C'est pourtant ce qui fut fait, en même temps que la fameuse règle du "masculin qui l'emporte sur le féminin" pour les adjectifs qui suivent une énumération, alors que c'était le genre du dernier mot de l'énumération qui donnait le ton, antérieurement. Inquiets pour leur virilité, il leur fallait manipuler les mots pour se doter d'un pouvoir...


Cette info peu connue, la Revue Dessinée de printemps la livre, comme elle livre depuis 15 numéros des enquêtes, reportages et analyses bourrées de connaissances, sous forme de BD. De quoi choquer toute personne douée d'un minimum de volonté d'égalité entre femmes et hommes, comme avec cette rubrique régulière sur la sémantique. De quoi aussi interroger nos habitudes de consommation, avec une enquête sur "le poids du clic", qui démontre comment l'empreinte carbone de nos activités sur internet est bien plus négative qu'on ne le pense (si Internet était un pays, il serait le 6e plus gros consommateur d'énergie au monde). De quoi grandir en citoyenneté, en lisant comment une loi - en l'occurrence la loi Macron - est élaborée, entre projet politique, manœuvres partisanes, rapports de forces parlementaires, arcanes des fonctionnements institutionnels... De quoi rester vigilants, avec une enquête sur les nouveaux paysages miniers, sur les guerres économiques qui se dessinent pour exploiter de nouveaux filons dans nos sous-sols, y compris hexagonaux, pour en extraire des métaux aussi rares que polluants mais hélas indispensables pour le fonctionnement de nos tablettes, smartphones et autres outils high-tech...

De quoi désespérer un peu de notre monde ? Que nenni. D'abord on peut pratiquer la boxe pour se défouler (un petit reportage rigolo sur le sujet), aller au cinéma, écouter de la musique, admirer une image (avec les rubriques dédiées) pour titiller nos passions artistiques. Ensuite il n'a jamais été question de baisser les bras : en cette période pré-électorale, plus que jamais, il faut s'informer, non pas pour pleurer misère, ni pour phosphorer dans des projets fumeux irréaliste, mais pour trouver la voie médiane, celle de l'engagement. La Revue Dessinée y contribue.

Revue Dessinée n° 15. En vente en librairie, 15 euros. Le sommaire, sur le site de la revue, c'est ici.

Et pour relire toutes mes chroniques sur la Revue Dessinée, c'est ici !