mercredi 11 mai 2016

Métronom' : Fin d'une bonne série, début des bonnes questions


Une nouvelle fois libéré grâce à l’aide de Loess, Floréal décide de contacter un groupuscule de rebelles et de leur communiquer les failles du palais des ministères pour renverser le gouvernement. Son véritable but : sauver Lauren, prisonnière de l’enfer de la reprogrammation. Pendant ce temps, le célèbre biologiste Warnier, revenu d’entre les morts, est recruté par Ternett Industry afin de maîtriser la mystérieuse entité découverte dans l’espace... Il s’agirait d’un virus psychique capable de véhiculer non pas des maladies, mais des idées ! Une formidable capacité dont le pouvoir aimerait profiter afin de contrôler de façon encore plus efficace la population...
Dans la plus pure tradition des grands romans de SF, Metronom’ nous interroge sur des problématiques politiques et sociales intemporelles. Le graphisme époustouflant de Grun, tout en couleur directe, vient conclure en beauté ce récit brillant de Corbeyran, lorgnant du côté des classiques du genre : de Brazil à Blade Runner.
(Présentation Editeur)

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Cinquième et dernier tome de la très bonne série de SF Métronom', une dystopie qui raconte une société d'avenir fasciste dont le pouvoir s'appuie - le paradoxe n'est qu'apparent - sur une forme de démocratie directe où les "citoyens" sont fréquemment appelés à voter sur des mesures qui, de fait, restreignent leurs libertés. N'ayons pas peur des mots : la société décrite est bien fasciste, les libertés sont vraiment bafouées, l'Etat est vraiment policier. Je le précise à l'attention du lecteur extrémiste, qu'il soit de droite ou de gauche, qui éructe que nous serions aujourd'hui dans un pays fasciste parce qu'un Parlement oserait voter le droit au mariage pour tous, ou parce qu'un gouvernement, fut-il à bout de souffle et peu inspiré, oserait utiliser la voie constitutionnelle d'un 49-3. A force de rendre relatif le mot "fasciste" ou "totalitaire", on peut se demander quel mot devront inventer ces crétins pour qualifier une société qui le serait vraiment et qui leur enlèverait réellement toute liberté.

Mais je ferme la parenthèse. Heureusement, dans tout pays totalitaire il y a des gens qui veulent sauver leurs libertés. Dans Métronom', on suit justement un groupe de personnes qui veulent revivifier la démocratie, en diffusant des idées rebelles par un livre interdit, une fable bourrée de paraboles qui critique violemment la société et qui donne son nom à la série. Et par le jeu d'une pièce de théâtre qui dénonce la situation sociale et culturelle du monde dans lequel ils vivent. La culture contre la barbarie. Mais cela ne semble pas suffisant, et on a recourt à la violence. Surtout quand il y a urgence, et qu'un virus est identifié, qui transmets non pas une maladie mais des dispositions psychiques qui, aux mains du pouvoir, lui assureraient la soumission absolue du peuple. 

Le passage le plus troublant est celui où le grand ordonnateur du peuple, dont le lieu de pouvoir est envahi par les rebelles, explique à ces derniers que non, il n'y a pas besoin de manipuler les résultats des votes électroniques pour imposer au peuple des mesures toujours plus liberticides. 


Autrement dit, la démocratie en soi n'est rien, elle peut même être fallacieuse, quand elle s'appuie sur l'ignorance. Et cette ignorance peut parfaitement être organisée. Certains partis politiques ne pourraient tenir le pouvoir que sur elle. On pense à l'extrême droite, mais l'extrême gauche a tout intérêt elle aussi à maintenir le peuple dans l'ignorance, il suffit de voir comment elle surfe sur la méconnaissance des gens sur certains sujets d'actualité pour les maintenir en état de colère. 

La diffusion de la lecture et de la culture, que brandissent les révoltés de Métronom', est donc bien la seule arme vraiment efficace contre l'absolutisme. Gagneront-ils ? La fin de la BD et de la série ne le garantit pas, mais en laisse poindre l'espoir. Même si une vieille affiche "Je suis Charlie" dans une des cases (image ci-dessous) vient rappeler subrepticement que des combats qui paraissent évidents aujourd'hui n'empêchent pas la société d'être susceptible de grâvement dévier un jour. Un clin d'oeil pour garder l'oeil ouvert. 



Métronom'. Nº5 et dernier. "Habeas Mentem". Eric Corbeyran et Grun. Ed. Glénat. 2015. 

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