dimanche 28 juin 2015

Jurassic World : six films en un, c'est rentable


Cela faisait au moins dix mois qu'on n'avait pas été au cinéma, ma Mie et moi. Alors allons-y pour du lourd, du gras, du grand, du spectacle, du film qui tache, morbleu ! Donc Jurassic World. En 3D en plus s'il vous plaît.
Eh bien on en a eu pour notre argent (parce que bien sûr on s'est décidé la veille de la Fête du Cinéma, donc on a payé plein pot) : ce film, c'est un condensé de 5 ou 6 autres films.

Une base US

D'abord il y a la base, celle de tout bon film américain.
Il y a un héros très fort et brave.
Une héroïne qui n'a rien compris à la valeur "famille" mais qui comprend vite qu'il n'y a que ça de vrai enfin allons, qui court pendant tout le film avec des chaussures à talons et qui parvient à prendre le temps d'embrasser le héros pendant le carnage d'une attaque de bestioles préhistoriques.
Deux gamins dont un ado en pleine crise de puberté, qui se traduit par des prises de risque ("Larguons notre ange-gardien, on va s'éclater") et des œillades à un groupe de jeunes filles à l'air niais mais aptes à nourrir les fantasmes d'un néopubère. L'autre gosse est le petit frère, il est perturbé par l'éventuel divorce de ses parents, enfin il croit que ça se prépare, mais en fait tout le monde s'en fout c'est juste pour montrer qu'il est petit et sensible.
Un savant fou (à l'allure nécessairement asiatique) qui crée des animaux ignobles.
Un directeur de parc qui préfère risquer des vies humaines plutôt que son chiffre d'affaires.
Un méchant, fatalement un peu gros et un peu con, qui a une idée géniale : utiliser les animaux préhistoriques pour faire la guerre.
Et un Français, Omar Sy.

Des ingrédients filmiques  

Sur cette base vous ajoutez des préparations déjà vues dans d'autres films.
Indiana Jones pour le côté aventure dans la jungle et héros intrépide.
King Kong pour l'île et la bagarre entre animaux préhistoriques, à la fin.
Les Oiseaux d'Hitchcock, pour la scène d'attaque des ptérodactyles sur les visiteurs. 
Les Dents de la Mer pour le parc d'attraction plein de gens affolés et qui se font bouffer par des créatures alors qu'on avait bien dit au directeur du parc que c'était dangereux et qu'il fallait évacuer.
Charlot pour la fin du film, où les deux héros partent en amoureux vers un horizon lumineux. Le gars ne fait pas tourner de canne dans sa main comme Charlie Chaplin, mais vous voyez l'ambiance.

En cherchant un peu on pourrait trouver des tas d'autres références (ou hold up ?) cinématographiques. Mais l'assemblage est réussi et scotche au fauteuil. On a payé plein pot, mais on a eu plein de films en un seul.

Pour aller plus loin

D'abord allez faire un tour sur le site internet du film, il y a même un plan du parc. Il y a aussi une page Wikipédia sur la biologie dans la science fiction. Et je vous conseille un truc de fou pour amuser vos enfants puis leur faire peur : jouez au savant fou et fabriquez vous-même votre dinosaure ! 

mercredi 17 juin 2015

Revue dessinée d'été : sous le soleil de l'éthique


Le temps passe bien vite ma brave dame, voici venu le temps de la Revue dessinée d'été (mes autres chroniques de cette belle revue sont ici). Avec l'éthique et/ou la morale (je vous laisse philosopher sur les nuances, en ce jour de bac philo), en fil rouge d'une grande partie du numéro.

Morale, éthique, en politique : il en est question dans ce reportage sur l'équipe municipale, étiquette UDI, qui a pris les rennes de Bobigny (Seine-Saint-Denis), aux dernières élections municipales, éjectant ainsi les communistes aux manettes depuis presque un siècle. Des pratiques peu sympathiques voire franchement glauques sont décrites, tant des sortants que des entrants. La tonalité générale ne tombe pas dans le "Tous pourris", et c'est heureux : la parole est aux acteurs, des êtres humains qu'on tente de comprendre, dans la situation qu'ils vivent, ici et maintenant. Mais pas de quoi raccommoder la déchirure entre les citoyens et le monde politique, pas de quoi lever la méfiance qui s'est installée. Hélas.

Morale, éthique, dans le sport : au travers de la saga d'Adidas, qui a inventé un nouveau modèle économique à partir d'activités a priori saines, une enquête explique comment le sport, à un certain niveau (FIFA, CIO, grandes fédérations, voire plus bas dans la hiérarchie sportive...), est gangrené par l'argent, la corruption, la magouille. De quoi mieux comprendre les soubresauts récents à la FIFA. Pas beau à voir. Mais pour être franc, chiant à lire aussi, tant cette partie est plus du texte illustré qu'une mise en scène BD. Autant lire un article du Monde. Mais le contenu est édifiant.

Morale, éthique, en matière de droits de l'homme, de géopolitique, d'histoire personnelle : un témoignage très intéressant d'un enfant d'Afrikaner, quand l'Afrique du Sud est encore le pays de l'apartheid. Et comment il prend conscience peu à peu, à force de cotoyer des jeunes de pays européens, que la situation de son pays n'est pas "normale". Grave, très humain, touchant.

Enfin moral (sans "e" final), au plus bas, quand on est "lanterne rouge" dans le peloton du Tour de France. Quoique. Ça dépend pour qui. On voit dans cette enquête la souffrance de ceux qui luttent pour rester dans la course, mais aussi à quel point certains coureurs cherchent absolument la dernière place, celle qui se voit.Et qui ouvre la porte de critériums d'après-Tour, rémunérés. Ils sont capables de toutes les roublardises pour être vraiment le dernier, le seul, l'unique... Le moral et la morale, finalement, trouvent leur lien.

Repos de l'âme

Mais il faut bien se reposer de toute cette ambiance peu morale. Inutile d'aller voir un pasteur pour calmer les affres de l'âme : en tout cas en Suisse, ils frisent le burn out, voire la dépression. Reportage original. En revanche, s'il fait moche (et justement une enquête sur la météo montre la place importante que ce secteur représente, tant dans la tête des gens que dans l'économie française), on peut utilement aller au ciné. Certes personne ne connaît sauf les lecteurs assidus de Télérama, mais une scène d'Electra Glide in Blue, de Guerico, est décortiquée. La chronique musicale décrit la vie et l'oeuvre de Nico, pas inintéressant.

Quant à "la sémantique c'est élastique", elle s'attarde sur le verbe "croire". Croire en Dieu, croire en l'Homme... Ce qui nous ramène, en philosophant un peu, à une question de morale.

La Revue Dessinée d'été. n°08. En vente en librairie.

dimanche 7 juin 2015

La Femme sans Tête : Un polar dans le Paris coupe-gorge et odorant du 16e siècle


La rougeole et la coqueluche sont en pleine recrudescence aux Etats-Unis, à cause des gros débiles meurtriers qui font campagne contre la vaccination. La France n'est pas épargnée par ces débats. Il est temps que la raison reprenne le dessus et que la désinformation soit combattue. Regardons tout simplement toutes les maladies qui ont disparu grâce à la vaccination. Repérons  dans l'actualité ces enfants qui meurent d'une maladie qui aurait pu être évitée. Et rappelons-nous, histoire de sourire, qu'au 18e siècle, les obscurantistes prétendaient que la vaccination transformait les hommes en vaches...

Mais que vient faire Une Femme sans Tête dans cette histoire de vaccination ? Juste qu'il y est aussi question de croyances, d'obscurantisme. Avec un médecin qui cherche le secret alchimique de l'élixir de vie. Bien sûr qu'il n'existe pas, mais au 16e siècle on en est encore à espérer le trouver. A avoir foi aux débuts d'une science moderne. A faire des expériences. Mais alors, cette femme retrouvée sans tête (morte donc, vous imaginez bien...), ne serait-elle pas victime de ce médecin aux recherches douteuses et peu catholiques ? Dans cette ambiance de guerre de religions (le massacre de la Saint-Barthélémy a eu lieu quelques années avant), de règlements de comptes, de "parties fines" qui mêlent le gratin politique et royal et où les prostituées finissent parfois mortes (on croirait l'affaire de l'Hôtel Carlton de Lille), le commissaire qui enquête sur le dossier a fort à faire, et doit justement lutter contre lui-même pour ne pas accuser, juste sur des préjugés, ce docteur joliment nommé Théophraste Le Noir, qui ne suit pas le même chemin que les autres. Le tout dans un Paris fort bien décrit - on voit les ruelles coupe-gorges, on sent les odeurs fétides qui y règnent - et avec des personnages hauts en couleur.

Bref entre le débat actuel sur la vaccination et l'affaire de la femme sans tête, le lien est ténu, j'avoue. Mais j'avais envie à la fois de mettre une claque aux manipulateurs anti-vaccins, et saluer ce roman policier.

La Femme sans Tête, de Viviane Moore. Ed. 10/18.