mercredi 30 juillet 2014

Fleur de Tonnerre : Arsenic et serial coliques



Hélène Jegado a tué des dizaines (oui, des dizaines) de gens. C'était en Bretagne, dans la première moitié du 19e siècle. Il en a fallu du temps, pour la débusquer, et comprendre que partout où elle passait, elle empoisonnait le monde, au sens premier du terme. A coups de soupes aux herbes ou de gâteaux garnis d'arsenic, elle a ainsi tué sa mère, des vieux, des jeunes, des enfants et des nourrissons. Pour rien, comme ça. Plus fort qu'elle. A l'époque, point de moyens modernes de communication, sa réputation de malheur n'avait pas trop le temps de se faire ici qu'elle repartait là-bas vers d'autres contrées pour continuer ses basses oeuvres, sous couvert de son métier de cuisinière dans les maisons bourgeoises. Ce n'est qu'au bout de 18 ans de meurtres qu'elle s'est fait cueillir, elle que sa mère avait appelé Fleur de Tonnerre, surnom donné au coquelicot, dont les croyances populaires disent que l'arracher attire l'orage et porte malheur. Bien vu.

Jean Teulé raconte tout ça, de l'enfance d'Hélène jusqu'à sa décapitation par guillotine le 26 février 1852. Romancé bien sûr : il n'y était pas. Mais la longue litanie des détails des empoisonnements finit par lasser. De temps en temps une variante - elle tue quelqu'un qui cherche la fin de vie, ou vit une histoire d'amour avec un homme qu'elle a rendu veuf. C'est à ce moment qu'on comprend qu'elle est prise par les affres d'une "voix intérieure" qui la pousse à tuer. La fin de l'ouvrage, au moment du procès, ouvre des tentatives intéressantes sur la situation politique du pays - Napoléon et son score de 2 millions de morts épate totalement Hélène - et avance quelques explications psychanalytiques sur les pulsions de Fleur de Tonnerre, qui se prend pour l'Ankou, un personnage mythique qui amène la mort dans les campagnes de l'époque, et fait cauchemarder les petits enfants. Donc un livre pas inintéressant, mais on finit par s'ennuyer un peu des morbides escales d'Hélène, et on aurait aimé davantage entrer dans sa tête pour mieux la détester, ou l'apprécier, ou la plaindre, ou avoir pitié, comprendre ses affres d'enfant, ses luttes internes, son alcoolisme progressif, bref, un peu d'humain dans ce compte rendu.

Pour aller plus loin

Préparez aussi votre mixture, faites comme Hélène Jedago ! Mais avant, lisez bien ce que c'est l'arsenic. Et une interview sur l'histoire des meurtres à l'arsenic. Bref, empoisonnez intelligemment ! (c'est pour rire ce que j'écris, hein ?)
Quant à la vie d'Hélène Jegado, c'est par ici, notamment.

Fleur de Tonnerre. Jean Teulé. Editions Julliard. 2013. 260 pages