samedi 24 juin 2017

14-18, Le Diable Rouge : Histoires fortes sur Histoire violente


Rappelons le concept : une série BD qui raconte la vie quotidienne de huit jeunes hommes issus du même village, mobilisés en 1914, qui ne savent pas encore qu'ils vont traverser plusieurs années d'enfer, de sauvagerie, de privations, de peur et de mort. Le tome 7 est sorti en avril 2017, il place le décor en avril 1917, il y a tout juste un siècle. La tragédie - une de plus dans cette guerre monstrueuse - commence le 16 avril, à 6 heures du matin, avec le début de la bataille du Chemin des Dames, dite aussi "offensive Nivelle", du nom du Général français qui avait imaginé qu'en 24 heures, 48 heures tout au plus, grâce à une progression de 100 mètres toutes les 3 minutes, les lignes allemandes seraient percées sur le "Chemin des Dames" entre Reims et Hurtebise, pour permettre aux forces françaises de s'y engouffrer et obtenir l'effondrement rapide de l'armée ennemie. Autant le dire, c'est un échec, et les pertes sont nombreuses. Or cela fait trois ans que la guerre a commencé, les soldats en ont ras le casque, les familles en ont ras le deuil, et des mutineries se produisent de plus en plus souvent, parfois encouragées par le vent de révolte voire de révolution qui souffle depuis la Russie.

Mature et complet

Ce septième épisode de "14-18" est sans doute le plus mature et le plus complet. On l'a vu, la grande Histoire qui en constitue le cadre est tragique. Elle est bien expliquée par les personnages au fil des pages. Les "petites" histoires des personnages quant à elles sont émouvantes, sans être cucul comme cela a pu être le cas dans certains épisodes précédents. Les soldats ont une immense conscience de ce qu'ils vivent et de ce qui les attend : ils savent qu'ils vont mourir, qu'ils sont guidés par des officier complètement fous et déconnectés de la réalité, ils sont habités par la mort, et ils le disent, ils le dessinent pour certains, ils l'écrivent à leurs familles. L'un d'eux se rebelle, appelle ses camarades à déposer les armes, à lorgner vers les révoltes russes. Mais comme il n'y a pas assez de morts, il est arrêté et fusillé. Les personnages s'engueulent, fraternisent, se solidarisent. A l'arrière, les femmes pleurent leurs morts, elles travaillent, et continuent de subir, même à l'usine, le patriarcat qu'elles connaissaient déjà dans leur foyer et leur village. Entre la sauvagerie de la guerre et la dureté des rapports sociaux, cet épisode dessine une époque, pas si lointaine, d'une grande violence.

La page 7


14-18 tome 7, Le Diable Rouge (avril 1917). Par Corbeyran et Le Roux. Editions Delcourt, avril 2017.