lundi 24 novembre 2014

Raoul Petite, le grand nom du Luberon


Je ne connaissais pas Raoul Petite avant de tomber dessus par hasard sur un site de musique à la demande dont je tairai le nom mais qui sonne à l'oreille comme l'heure à laquelle je commence seulement à me déglauquer le matin.

Et Raoul Petite, pour déglauquer, ça déglauque. A toute heure du jour et de la nuit.

En résumé, et sur trois axes (comme disent les diplômés) :
- Ça râle : contre le systême qui ne le récupèrera pas  ("Ouais c'est ça ouais..."), contre le colonialisme et ses suites (avec une excellente reprise de Mamadou m'a dit de François Béranger), contre les dérives commerciales en tous genres. 
- Ça rigole : sur les paranos (Paranorama), sur la voisine (Voisine), sur soi-même (Raoul Petite n'est pas avare d'autodérision), et sur tout ce qu'on veut...
- Ça met la pêche : "sRaoul Petite a su créer son propre style, tour à tour qualifié de « barock’n roll » ou de « rock agricole sophistiqué », certaines influences sont indéniables, en particulier celle de Frank Zappa à qui il est explicitement rendu hommage dans différents albums. Le groupe associe des textes humoristiques, ciselés et décalés, à des airs métissés, alternant les riffs arabo-reggae aux morceaux plus hard, les hymnes folk-rock aux rengaines slaves" (article de Wikipedia, sans qui j'aurais été incapable de mettre des mots sur ce style de musique).

Et puis un groupe qui se forme à Apt dans le Luberon, avec un leader surnomme Carton, ça ne peut qu'être intéressant à écouter. Voyez et écoutez plutôt :




lundi 17 novembre 2014

Rugby : Assez des "Cinq dernières minutes", rendez-nous Columbo



J'ai regardé le match de rugby France-Australie samedi soir. 

Je pense que le XV de France est sponsorisé par les canapés Château d'Ax (sans la pouf blonde de la pub). Anéfé, les canapés ne peuvent pas résister aux griffes des membres supérieurs d'un individu normalement constitué atteint de gestes de nervosité extrême face aux cinq dernières minutes que cette équipe nous inflige systématiquement. Les Boules Quies sont aussi de la partie, à n'en pas douter, pour protéger les oreilles des hurlements du supporter moyen en train d'estimer que "non vraiment ptain mais pourquoi on se fait rattraper à chaque fois?!"
C'est insupportable. Étouffant. Pas croyable.

Et pourtant. La source de tous ces maux est facile à identifier : les managers du XV des Bleus ont la quarantaine. Ils ont été biberonnés à des séries policières dans les années 80 qui les ont marqués. Séries dont le dénouement final rivalisait d'ingéniosité pour susciter un torride suspens. Rappelez-vous : Arsène Lupin, L'Heure Simenon, Mimi Cracra... Autant de bijoux télévisuels qui ont donné à nos vaillants managers rugbystiques un goût prononcé pour le péril de dernière minute. Pensez-y. Et vous vous direz : bon sang de bon soir, mais c'est bien sûr !
Comparez : la génération précédente, avec des fins de matchs moins stressantes, de qui est-elle l'héritière ? De Columbo. On sait tout dès le départ. 

Il y a toujours des retours de mode. Ça tombe bien, et je le dis haut et fort à la face de la FFR : rendez-nous Columbo ! 

dimanche 9 novembre 2014

Revue Dessinée d'automne : une bonne livraison d'enquêtes politiques et sociales



Oui je sais, le numéro 5 d'automne de la Revue Dessinée est paru depuis début septembre et nous sommes début novembre. Mais on est encore en automne que je sache, donc je suis dans les temps.
Cette nouvelle livraison présente toujours des enquêtes, des reportages, des documentaires très bien fouillés, avec un vrai travail de journalisme mis en scène par une excellente troupe de dessinateurs. Sur le principe, sur la forme, c'est (toujours) très bon.

Les années 70, société violente

Dans ce numéro : une enquête sur l'assassinat du juge Renaud, en 1975. Le titre de cette séquence résume bien le contexte : "Crime d'Etat". C'est la grande époque de la Guerre froide, des "années de plomb" qui suivent Mai-68, c'est le règne du SAC, Service d'action civique, et de ses basses œuvres. C'est une société violente au sens premier du terme. La société d'aujourd'hui est également violente, c'est vrai, mais surtout sur le plan social et économique. A l'époque, on n'hésite pas à poser des bombes ou à tirer à vue sur des gens dans l'espoir crétin de faire triompher une cause.
Face à ces malfrats, il y avait des héros, et apparemment le juge Renaud en faisait partie, qui prétendait pouvoir faire face : "Que ce soit le pape ou le président de la République, des députés ou des sénateurs, j'en ai rien à foutre, si quelqu'un doit aller en taule, il ira !" disait-il. Courageux. Mais suicidaire, dans le contexte, quand on s'attaque, comme lui, ni plus ni moins qu'au financement occulte et voyou d'un parti politique au pouvoir, défendu par le sinistre SAC.

Bref, Benoît Collombat, grand reporter à France Inter, enquête sur cette trouble affaire, sous le crayon de Etienne Davodeau. Et le moins qu'on puisse dire c'est que c'est glauque, et que les affaires qui touchent aujourd'hui l'UMP - ou je ne sais quel tordu dit "de gauche" qui ne paye pas ses impôts ou planque son argent en Suisse - à côté, c'est les aventures du Club des Cinq (pour repiquer dans une littérature jeunesse de la Bibliothèque Verte des mêmes années 70). Une enquête très bien menée. Seul bémol, la BD relate les entretiens avec les différents protagonistes encore en vie, mais du coup le dessin n'apporte pas beaucoup de plus-value par rapport à un reportage écrit. Cette remarque est valable pour d'autres BD de la Revue.

Rions sur la xyloglossie

A propos de politique, j'aime bien la petite chronique sur le langage, "La sémantique, c'est élastique", consacrée cette fois-ci à la "xyloglossie", autrement dit à la "langue de bois". Où on apprend que l'expression vient du russe "langue de chêne", qui se moquait de la bureaucratie tsariste, et qui est devenue "langue de bois" à l'époque soviétique. En Allemagne on parle de "langue de béton" et de "langue de plomb" en Chine... Le "héros" linguiste de la chronique interpelle François Hollande et Jean-François Copé, qui répliquent dans une parfaite xyloglossie, c'est assez marrant.

Côté social, on trouve une enquête intéressante sur les salariés qui doivent se déplacer à la semaine pour renforcer des équipes sur un autre site, éloigné, de leur entreprise. Un univers d'hommes, contraints de s'éloigner de leurs familles toute la semaine, pour garder un emploi. Dommage, ce reportage n'est pas en BD, et les illustrations ne me plaisent pas. Pas inintéressant mais un peu trop prudent : l'auteur ne s'avance pas beaucoup. C'est bien ou pas ? Après tout, la mobilité géographique est une question importante qui mérite d'être questionnée dans un pays où ce n'est pas, loin de là, inscrit dans les habitudes... Mais cette séquence ne permet pas trop d'avancer sur le sujet.

Enfin de la pédagogie économique, avec une explication un peu ardue mais passionnante et éclairante sur le piège des emprunts toxiques dans lequel sont tombés moult communes de France. L'engrenage est redoutable.

En revanche, je reste froid devant la nouvelle rubrique "La Revue des cinés", qui commente et explique une séquence d'un film culte. En l'occurrence un extrait du "Cabinet du Dr Caligari". Je ne vois pas l'intérêt, dans le registre visuel, de reprendre un autre registre visuel. Là aussi, la plus-value de la BD m'échappe.

Mais au total, encore un beau numéro, très pédago, et un appel à s'abonner à cette Revue car elle est une initiative originale qui mérite de s'inscrire dans le long terme.

La Revue Dessinée n° 5. Automne 2014. http://www.larevuedessinee.fr