dimanche 31 août 2014

"14-18, Le Petit Soldat" : Début de guerre, début de saga



L'entrée en matière est brutale : 1919, une femme accompagne son mari chez le médecin. Le visage enroulé dans une écharpe, l'homme se découvre. C'est une "gueule cassée" particulièrement amochée. Non seulement les restes de son visage ne sont plus guère humains, non seulement il souffre atrocement, mais il semble bien atteint psychologiquement : il anone sans arrêt la même phrase, difficilement quand on n'a plus de machoire : "Il a été blessé, il a perdu sa baïonnette, il ne peut plus se défendre, tu peux le protéger, toi, tu es un vrai soldat".

Pour comprendre cet épilogue, il faut maintenant replonger cinq ans plus tôt, au début de la guerre 14-18. Et c'est parti pour une saga de 10 albums prévus, qui paraîtront jusqu'en 2019. Le nom de la série a dû torturer les méninges d'un bataillon de communicants : "14-18". Point très positif : chaque album a un début et une fin, sans "A suivre" à la fin, même si la succession des BD suivra l'évolution de la guerre.

Le tome 1, intitulé "Le Petit Soldat", qui commence par cette scène atroce, pose le décors. Ce sera l'histoire de huit hommes et huit femmes, issus du même village, embarqués dans les atrocités du conflit. Nous sommes au début de la guerre, et on vit les premières heures de la mobilisation générale, annoncée par le garde champêtre pendant une fête de village, les trop courtes 48 heures laissées aux mobilisés pour préparer leurs affaires et profiter de la vie, puis le départ au front et les premières confrontations avec la mort.

Les dessins d'Etienne Le Roux sont très bons, le scénario bien campé par Corbeyran. Les expressions utilisées, la manière de parler, les usages,tout y est très documenté. Comme dans toute évocation de 14-18, on y retrouve aussi les dures conditions de vie des soldats, et surtout les ordres débiles de supérieurs stupides qui sacrifient la vie de leurs hommes. Le "plus" de cette série, par rapport aux BD sur le même sujet, résidera sans aucun doute dans la narration de la vie quotidienne du soldat et des familles restées au village. D'autant que chaque personnage est doté d'une vraie personnalité, d'une histoire, de quoi s'y attacher. Pour le reste, attendons les prochains albums. Le premier épisode passe du temps à installer la situation et les personnages. Gageons que les prochains seront plus "enlevés".

Pour en savoir plus, un document pdf des éditions Delcourt explique le projet.

14-18. Tome 01. Le Petit Soldat. Corbeyran et Etienne Le Roux. Coll. Histoire et Histoires. Ed Delcourt.


mardi 19 août 2014

Black Storm : un film catastrophe.Vraiment.


Voilà un film catastrophe dans tous les sens du terme.

Allez, j'exagère, les effets spéciaux sont particulièrement réussis, même sans 3D, comme quoi on peut provoquer des montées d'adrénaline sans être obligés de chausser une paire de lunettes de kéké.

Pour le reste, l'histoire est affligeante comme une histoire bien américaine où à la fin, le drapeau étoilé est en lambeaux, mais où les citoyens US se retroussent les manches pour reconstruire. Il ne manquait plus que l'intervention du président des Etats-Unis pour sauver ces pauvres gens frappés par de méchants cyclones (vraiment méchants, ceci dit), et le tableau aurait été parfait. Mais l'intérêt général n'est pas l'objet de l'intrigue de ce film, qui s'adresse plutôt à des niches de spectateurs.

Parmi ces niches : les sadiques. C'est l'objet même d'un film catastrophe que de voir des gens en danger de mort, non ? Eh bien là c'est réussi. Avec une touche supplémentaire : les personnages sont tous en train de filmer en direct tout ce qui se passe autour d'eux. Jamais vu autant de caméras (de tous genres : smartphone, mini-caméras, caméras pro...) dans un film. Ton frère est coincé sous une tonne de ferrailles dans un trou qui se remplit d'eau : avant tout, cale ta caméra sur un trépied, puis seulement, pars à sa rescousse. Ce film propose une conception des priorités qui laisse songeur.

Une priorité : filmer. 
Autre niche : les romantiques. Comme tout film catastrophe, il faut un couillon qui tombe amoureux en plein milieu des éléments déchaînés. La mort imminente, ça doit pousser à vouloir perpétuer l'espèce. Je ne vois que ça. En tout cas ça perpétue les scènes larmoyantes et les accolades de soulagement.

Les psychologues de comptoirs et les Freud de supermarchés y trouveront également leurs comptes. Un des personnages principaux est un père qui a perdu sa femme dans un accident de voiture, du coup il est bourru, du coup il ne pense qu'au boulot, du coup il n'est pas très causant avec ses deux ados, du coup ça va lui jouer des tours dans le film, mais du coup il va prendre conscience qu'il est un peu con, et à la fin il comprend que la famille, il n'y a que ça de vrai. Voilà, tirez-en les conclusions psys qu'il faut.

N'oublions pas les geeks : comme tout film des années 2010, il faut que tout le monde soit branché sur son portable, son smartphone, etc. Je l'ai dit plus haut, ils ont tous un appareil à la main pour filmer tout en permanence. Même sous des vents à 350 km/h, ils sont dehors, l'oeil sur l'écran. Au passage, histoire de décontracter les choses, on a l'apparition de deux crétins geeks complètement bourrés qui filment les cyclones pour briller sur YouTube, qui se font embarquer par les vents, et qui ne meurent pas à la fin : ils se retrouvent juste accrochés à un arbre, et il y en a un qui tombe juste avant le générique final. Lol, mdr, ptdr.

Les écolos devraient s'y retrouver un tout petit peu dans ce film. Mais vraiment un tout petit peu. Car la multiplication des cyclones,ça pourrait avoir un lien avec le dérèglement climatique. Ouhla ! Mais attention, on est aux States : pas question d'accuser la pollution ou les gaz à effets de serre ! Le monde ne tourne plus rond, brothers et sisters ! Voilà l'explication (énoncée par un bon vieux gars qui a connu le bon vieux temps où il n'y avait pas de tempête). Mais n'accusons pas le mode de vie des habitants des pays évolués, ce sont ceux qui viennent se régaler devant les films catastrophes !

En tout cas moi j'ai bien aimé et j'ai bien ri (intérieurement, car je sais me tenir). De là à me retrouver dans une des niches que je viens de citer... Quoique, à bien y penser...

Pour aller plus loin... (pas difficile)

Il y en a qui se demandent si on ne peut pas détruire un cyclone avec une arme nucléaire...  Si, je vous jure, et c'est sur la FAQ d'un site apparemment sérieux, le bien nommé ouragan.com...
Et y a-t-il un lien entre les cyclones et le changement climatiques ? Des éléments de réponses ici. Intéressant.

dimanche 17 août 2014

Ne lâche pas ma main : tripes, stress, torpeur et ti-punch


La couverture est hideuse, genre à faire honte de sortir le livre dans le métro. Et les correcteurs de texte devaient se prélasser (sans doute un ti-punch à la main, sur l'Île de la Réunion où se déroule l'intrigue du roman), car quelques mots ont sauté dans cette édition (j'en ai repéré au moins deux, exemple en p. 283).
Voilà, j'ai fait mon petit caca nerveux, mais c'était nécessaire. Ce n'est pas parce que c'est un livre de poche que le lecteur est un sous-lecteur.

Passons au fond de l'affaire de ce polar. Tout se passe à la Réunion, donc. Un homme, soupçonné du meurtre de sa femme, s'enfuit à travers l'île pour échapper à la police. Dans cette chasse à l'homme, il y a aussi un enfant, sa fille (d'où le titre). Mais les choses ne sont pas si claires que cela...

Voilà, je ne peux pas en dire plus, sauf à éveiller des soupçons chez le futur lecteur, ou lui gâcher le plaisir du suspens, et ça serait dommage. Car ce polar est d'une efficacité redoutable pour prendre aux tripes et ne les relâcher qu'une fois lue la toute dernière page. Un modèle du genre. Des fins de chapitres qui rebondissent, mais dont la suite n'est pas dans la page suivante (ce serait trop simple). Des flics qui foncent, avec nous, dans d'apparentes évidences qui s'avèrent trompeuses. Une narration explosée sur plusieurs trajectoires d'histoires qui finissent bien sûr par se rejoindre. Des personnages qui parlent à la première personne, qui ont des tripes, une vie perso, bref des gens auxquels on s'identifie facilement.

Seul bémol : c'est presque trop. L'intrigue est prenante, bien imaginée, pleinement logique, mais un peu tordue. Toutes les recettes du suspens sont là, on se laisse certes porter, mais on sait que ce sont des recettes. C'est la seule limite de ce polar. Mais après tout, comme ce sont les vacances, lâchons-nous. Il faut plonger sans réfléchir et avec plaisir dans cette histoire, sentir la moite torpeur de l'île, entendre parler créole, galoper avec les personnages dans la végétation tropicale, marcher sur les cendres chaudes du volcan. Le tout en sirotant un bon ti-punch, comme il se doit.

Et pour aller plus loin...

La recette du ti-punch réunionnais c'est ici ! Et des images de cette île, c'est là !

Ne lâche pas ma main, de Michel Bussi. Pocket. 448 pages.



vendredi 8 août 2014

Je suis un sournois : Un polar plein de saouls entendus



Un polar assez spécial, raconté à la première personne par le chef de la police du bled où vient d'avoir lieu un meurtre. Le gars est un bon flic, mais aussi un bon chrétien, adulé par tous les vieux du coin, pour sa réputation de perfection morale.
Sauf que le titre du livre annonce la couleur : le gars est un "sournois", un faux-cul, bref, il n'est pas aussi "moral" qu'il n'en a l'air. Et pour cause : il fornique (mais avec amour quand même) avec une amie d'enfance aussi engagée que lui dans la paroisse, mais surtout mariée. Mariée à un véritable crétin qui ne l'a jamais touchée, certes, mais mariée quand même. Et ça, c'est pas bien.
Cette situation va interférer avec l'enquête qu'il doit mener pour déterminer qui a tué Rita, une femme dite aux "moeurs légères", bref une femme à hommes. Et justement les hommes du village sont quasiment tous divisés en deux catégories : ceux qui ont couché avec elle, et ceux qui en rêvent. D'où quelques "tiraillements" entre les mâles, aggravés par une propension assez nette à consommer de l'eau de feu sans modération.
L'enquête est donc assez compliquée pour le héros, qui doit faire face à des zigotos qui n'hésiteront pas à s'accuser mutuellement, à menacer de dévoiler ce qu'ils savent les uns des autres, ou à jeter en pâture de la police le moindre maillon faible un peu plus imbibé d'alcool que les autres. Et comme tous ont des idées "malsaines" ou des actes "impurs" à se reprocher, cela donne des scènes assez drôles où ce ramassis d'ivrognes libidineux déploie une imagination débordante pour se sortir d'affaire par alliances de circonstances ou par basses attaques entre eux. Et il faut finalement du temps pour le lecteur (et un peu de mémoire des noms) pour que les soupçons deviennent des certitudes. Original.

Je suis un sournois. De Peter Duncan. Folio Policier. 256 pages.


vendredi 1 août 2014

La Planète des Singes-L'Affrontement : Ces singes qui singent les Hommes comme des cons


Les militants de la Ligue de défense des animaux, de  la SPA, Brigitte Bardot et les téléspectateurs de 30 millions d'amis n'ont plus qu'à vaquer à d'autres occupations (aller à la pêche par exemple) : les animaux sont aussi cons que les humains. La preuve dans cette reconstitution historique (un peu par anticipation certes) qui explique pourquoi un jour le singe sera totalement maître du monde, comme l'a très bien expliqué Pierre Boulle dans son documentaire La Planète des Singes.

Le documentaire filmé de La Planète des Singes (1968) finissait comme ceci. Souvenez-vous.

Ainsi donc, La Planète des Singes-L'Affrontement montre les débuts de la coexistence d'un groupe d'humains rescapés de l'épidémie mondiale qui a décimé l'humanité il y a dix ans, et un groupe de singes devenus intelligents comme les humains. De là, il y a les gentils humains et singes, qui souhaitent une coexistence pacifique, et qui se font confiance. Mais il y a aussi les méchants dans les deux camps, qui ont soif de vengeance (des hommes qui ont peur des singes, des singes qui se souviennent comment les hommes les ont traités), et qui sont prêts à toutes les bassesses pour attiser les peurs pour mieux provoquer des violences.
Et là bien sûr, on pense à des tas de conflits qu'on connaît ou qu'on a connus, ou qu'on a lus dans les livres d'histoire. Mais on voit surtout que les singes, une fois affublés de l'intelligence humaine, peuvent devenir aussi redoutables que les humains.
Alors pour vivre heureux, vivons cons ? N'allons pas jusque là : l'intelligence humaine apporte, on le voit aussi dans le film, la capacité à prendre de la distance, être capable de discuter, de négocier, de faire confiance.

En fait, devant le bien et le mal, face à la haine et à la confiance, les singes deviennent comme les humains : il faut faire avec ces sentiments ambivalents, mais c'est justement cela qui fait de nous des humains.
Là où c'est désespérant, mais après tout on ne fait pas mieux, c'est que les autres singes (le peuple en quelque sorte) suivraient n'importe quel petit Hitler qui leur promettrait vengeance, pureté, contrôle du territoire.
En deux mots, le film est bien fait, on ne s'ennuie pas (ou peu), il y a de l'action, et les effets spéciaux sont plus que jamais bluffants.

On vous dit tout : en fait César, le singe principal du film, c'est lui, Andy Serkis. Ça s'appelle un "effet spécial". 


Réflexion finale : par contre les téléspectateurs qui, comme moi, aiment regarder des documentaires animaliers les nuits d'insomnie à 2 heures du mat' peuvent continuer : savoir que ces connasses de bestioles seraient capables, devant les caméras, d'accomplir des trucs très humains (fourberie, violence, mensonges, manipulation...), voilà qui peut dilater les pupilles. Restez attentifs.