samedi 19 août 2017

Monteperdido : Polar, paumé


Monteperdido : un village de montagne acculé contre les plus hauts pics des Pyrénées. Des routes sinueuses, impraticables en hiver, des congères, des rivières qui débordent. Quelques familles, souvent coupées du monde, des sangliers et des chevreuils dans les forêts de peupliers et de pins noirs. C’est là que disparaissent un jour deux fillettes de onze ans qui, comme tous les soirs, traversaient la pinède de retour du collège. Malgré la mobilisation exemplaire du village, on n’a jamais retrouvé leurs traces.
Cinq ans plus tard, au fond d’un ravin, une voiture accidentée et le cadavre d’un homme. À ses côtés, une adolescente désorientée mais vivante : Ana, une des fillettes disparues. Si l’autre est toujours en vie, le temps presse. Qui se cache derrière cet enlèvement ? Deux inspecteurs de Madrid viennent rouvrir l’enquête mais se heurtent à l’hostilité des habitants qui chassent en meute, faisant front contre l’élément exogène, prêts à lutter jusqu’à la mort pour cacher leurs terrifiants secrets. Il apparaît pourtant qu’Ana connaît son ravisseur. Est-ce uniquement la peur et la proximité de son bourreau qui la musellent ? Comment comprendre la troublante triangulation qui s’est jouée pendant cinq ans dans le sous-sol exigu d’un refuge de montagne ? Un roman puissant, âpre et vertigineux à l’image de son saisissant décor.

(Présentation éditeur)

Oppressant. Oppressant le cadre : celui d'un coin paumé des Pyrénées, côté espagnol, isolé du monde quand il fait beau, isolé de l'univers quand l'hiver arrive. Oppressant le rythme : l'intrigue avance aussi lentement que le temps qu'il faut pour atteindre, à pieds, les hauteurs de ce bien nommé "Mont Perdu", Monte Perdido en espagnol. Oppressant comme cette impression d'être perdu dans l'histoire, parfois, un peu comme ce site est perdu dans la montagne. Oppressant comme cette atmosphère lourde, lourde comme une réunion de famille du dimanche midi qui tourne mal, avec ces discussions qui effleurent les problèmes ancestraux de la lignée, sans en parler de façon trop nette pour ne pas faire exploser le noyau familial, qui chatouillent des secrets, mais lesquels, bon sang, lesquels... Un invité - un lecteur - sentirait qu'il y a un truc qui ne tourne pas rond, mais quoi bon sang, quoi... On l'a sur le bout de la langue, il y a un truc qui gêne. Sauf que là il s'agit de vies et de morts, de gamines qui disparaissent et dont l'une réapparaît cinq ans plus tard, et qui ne dit pas tout, c'est sûr. De secret de famille, à tous les coups. De famille élargie : le poids des secrets impacte tout le village, pour l'occasion.

Winter is coming
Alors il faut avancer doucement, doucement mais sûrement, la pression est forte, le temps passe, il reste une gamine à retrouver, sa copine de malheur ment, et comme dans une série fort connue, l'hiver approche. Et pousse à se dépêcher. Dans tout cela, les êtres les plus prévisibles, les plus stables, restent les animaux de la forêt et de la montagne, discrets mais présents dans l'intrigue. Alors on s'y accroche, à cette intrigue, même si elle est lente, complexe, trop lente, parfois trop complexe. A l'image des relations sociales dans ce village, sans doute, mais rien ne nous sera épargné pour sentir leur lourdeur. Alors on s'accroche pour aller au bout du chemin, de l'intrigue, mais on ne s'y attardera pas.

Monteperdido, de Agustin Martinez. Ed Actes Sud, Coll. Actes Noirs. 2017.