dimanche 31 mai 2020

Incident au fond de la galaxie : Est-ce que ce monde est sérieux ?





Dans un cirque, un employé chargé de nettoyer les cages des animaux accepte d’être envoyé dans le ciel comme un boulet de canon ; le jeune pensionnaire d’un étrange orphelinat découvre qu’il est un clone d’Adolf Hitler créé pour venger les victimes de la Shoah ; un accidenté de la route perd la mémoire et se retrouve dans une pièce virtuelle avec une femme virtuelle, à moins que ce ne soit l’inverse…
Facétieuses, corrosives et incroyablement brillantes, les vingt-deux nouvelles d’Incident au fond de la galaxie nous immergent dans l’univers « keretien », où le virtuel et le fantastique viennent subtilement troubler la réalité pour faire surgir de profondes réflexions sur le deuil, la solitude et les stigmates de l’Histoire

Présentation éditeur

Je suis en train de lire Incident au fond de la galaxie, de Etgar Keret, et ça fait du bien. Une dose d'irréel dans la banalité quotidienne, un truc qui cloche dans la machinerie bien huilée, une bonne secousse dans le calme plat d'une histoire sans histoire... Ces nouvelles sont jubilatoires. Surtout en cette période de déconfinement, cela permet de relativiser notre réalité un peu particulière. Pas besoin d'aller au fond de la galaxie pour saisir les incidents. Il suffit d'aller dans le métro, par exemple. 
L'autre jour j'ai dû prendre le bus et le métro pour un rendez-vous dans Paris : c'était étonnant. Ces gens heureux de se souffler sur le visage, de braver le danger sanitaire en évitant de mettre un masque parce que, sans doute, c'est moche et c'est pénible à porter. Ces gens qui font semblant de faire attention, ou de respecter les règles, qui portent un masque mais qui le glissent sous le menton pour mouiller leur doigt et gratter une saleté sur leur bras (je vous jure, je l'ai vu, j'ai failli proposer ma langue). Ou qui s'évertuent à ne camoufler que la bouche et à laisser exsuder l'appendice nasal à l'air libre. D'où viennent-ils, ces gens bizarres ? Non, toujours pas d'une autre galaxie, ils sont bien de chez nous, ils habitent un pays qui a mis en valeur la Raison et qui a produit des grands scientifiques. Désespérant. 
Alors oui, il faut s'évader, et lire Incident au fond de la galaxie, comme je le faisais dans le métro, en jetant parfois ce regard inquiet au-dessus de ma tablette de lecture pour regarder le comportement de mes contemporains. 

Idir, Ici et Ailleurs : un métissage à renouveler

En même temps, j'écoutais Idir sur mon appli de streaming musical préférée. Il faut écouter ou réécouter Idir, récemment disparu, et notamment ce fantastique album Ici et Ailleurs, qui propose des chansons "d'origine française" réadaptées "façon kabyle", chantées avec le chanteur d'origine. Rien que le premier morceau, La Corrida, de Francis Cabrel, est en plein dans l'ambiance actuelle ("Est-ce que ce monde est sérieux ?")... Le mélange harmonieux de deux cultures est beau et enthousiasmant. Lui aussi, il fait oublier cette période curieuse. Et en même temps il met les pieds dans le plat : dans cette nouvelle époque où il nous est demandé de ne surtout plus nous mélanger pour des raisons de santé, il va falloir déborder d'imagination pour réinventer de nouvelles formes de métissage. Un beau projet. 


Incident au fond de la galaxie, de Etgar Keret. Ed. de l'Olivier, 2020. 
Ici et Ailleurs, Idir. 2017. A écouter sur Deezer (notamment). 

vendredi 22 mai 2020

J'ai raté ma vie mais j'ai presque lu du Conan Doyle et ce n'est pas fini


J'ai lu partout dans les réseaux sociaux et dans les grands médias traditionnels que pendant le confinement, si tu n'avais pas appris le serbo-croate en Mooc, la guitare sur Youtube, et pas lu les œuvres complètes de Victor Hugo gratuitement sur Kobo, tu aurais raté ta vie au moment du déconfinement. 
Spoiler : j'ai raté ma vie. J'ai décidé qu'on me foute la paix sur ce que j'avais envie de faire. Par conséquent je me suis dit que je pouvais lire tout et n'importe quoi, de toute façon c'est foutu, je suis foutu, le monde est foutu, adieu monde cruel. J'ai donc commencé à lire "Le Chien des Baskerville" en numérique gratuit sur Kobo, après avoir vu une adaptation en film sur Prime Video. C'est vous dire à quel point je ne suis pas raccord avec les normes intellectuelles et culturelles de la bienséance réglementaire édictées par le petit peuple bobo. Pire : j'adore les aventures de Sherlock Holmes, mais je n'ai pas réussi à tout lire, j'ai arrêté avant la moitié. Pire du pire : antérieurement à cette aventure coupée dans son élan, j'avais donc vu le film comme je le disais plus haut. Mais soyons franc : je me suis endormi également vers la moitié de l'histoire. Donc ? Donc je ne sais toujours pas qui est le coupable. Et là je vais donner un coup de grâce aux puristes de la littérature bien ordonnée : je m'en fiche. Je m'en fiche car je me suis relancé dans un autre roman. Un grand classique aussi, "Le Monde perdu" de Arthur Conan Doyle. Oui, le même auteur que pour Sherlock Holmes ! Et je précise "re"lancé en effet parce que je l'avais commencé il y a un peu plus d'un an et que je l'avais lâché à un peu plus de la moitié de l'ouvrage. "Le Monde perdu" : le titre vaut son pesant de cacahuètes dans la période. Tant qu'à avoir raté ma vie à ne pas avoir appris la "Lettre à Elise" au piano pendant le confinement, autant se vautrer dans l'échec le plus complet en imaginant la perte d'un monde. Bon ok, là il s'agit dans ce roman d'un monde plus "paumé", "isolé", "introuvable", que perdu. Mais les mots, c'est connu, on leur fait dire ce qu'on veut. 
Enfin, je vous dirai ça si je le finis, ce roman.