vendredi 29 janvier 2016

Mal de Mère : L'alcool et la vraie vie



« L’histoire relate 20 ans de notre vie. J’en suis le témoin et je raconte comment une famille heureuse devra renoncer à tout ce qui la construisait, perdre pied, devenir peu-à-peu une famille de cas sociaux. Je rends compte de l’évolution de chacun des membres de notre famille,
 pas seulement de celui de ma mère. Mon père qui s’est rapproché de nous par nécessité. Moi qui me suis endurcis pour me protéger. Mon frère qui, plus tard, deviendra un homme assumant ses responsabilités. Ma soeur qui n’aura connu notre mère qu’en état de dépendance, contrairement à mon frère et moi-même. Ma mère qui, je ne sais pourquoi, a lâché prise, le cerveau bouffé et le corps bouffi. Et puis les autres : les tantes, grand-mères, amis, commerçants, médecins, psychiatres, policiers, ceux qui faisaient souvent mine de ne rien voir, nous tournant le dos, nous jugeant, et ceux qui, parfois, nous comprenaient et nous aidaient.
J’ai écrit cela en n’épargnant personne, mais sans acharnement. S’il y a des jugements, il n’y a pas de morale. Chacun a sa part d’ombre et d’humanité. R.V.»


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Tout simplement tragique, poignant, on en ressort vraiment secoué. Secoué par cette histoire d'alcoolisme, vécue et racontée par le dessinateur lui-même. Secoué par la rapide descente aux enfers de cette femme, institutrice en maternelle, qui devient alcoolique. Si complètement et si profondément alcoolique que son mari et ses enfants retrouveront 1 500 bouteilles de porto vides, cachées dans toute la maison, même dans la chambre des enfants, à l'occasion de sa première cure de désintoxication. Cure qui ne servira à rien. 
Secoué par l'impuissance des proches. Impuissance de son mari qui navigue entre fermes engueulades avec elle, et quelquefois laxisme désespéré, quand il lui donne de l'argent pour acheter à manger alors qu'il sait qu'elle l'utilisera pour ramener subrepticement quelques bouteilles. Impuissance de ses enfants, et parmi eux l'auteur, Rodéric Valambois, qui met du temps avant de s'apercevoir de l'alcoolisme de sa mère, et qui finit par la disputer - cruel retournement de rôles -  tant elle est devenue apathique, paranoïaque et menteuse. Peine perdue, cette drogue est trop violente. 

Plus tard, quand Rodéric Valambois commence des études qui le conduiront à son métier actuel, il dessine sa mère qui dort sur le canapé, soulignant sa peau marbrée, ses yeux bouffis, son nez criblé de petites pustules. Il l'observe comme un objet de travaux pratiques, froidement. La scène est triste. Comme si ce n'était pas sa mère, étalée là. Comme si...

La page 77


Mal de Mère, de Rodéric Valambois. Soleil Editions, coll. Quadrants. Juin 2015. 

mardi 26 janvier 2016

Profanation : Un inspecteur Cølumbø chez les psychopathes nordiques


Sur le bureau de l’inspecteur Carl Mørck, chef du département V, le dossier d'un double meurtre commis en 1987 et impliquant une bande de fils de famille, innocentée par les aveux « spontanés » d’un des leurs. Mørck s'aperçoit que l'affaire a été hâtivement bouclée et décide de reprendre l’enquête. Cercles fermés des milieux d'affaires, corruption au plus haut niveau, secrets nauséabonds de la grande bourgeoisie... Adler-Olsen mêle suspense implacable et regard acerbe sur son pays. Après Miséricorde,Profanation ne décevra pas les fans du cynique Carl Mørck et de son assistant syrien, l’imprévisible Assad.


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Le commissaire Carl Mørck est sympa. Enfin je ne le connais pas, et de toute façon c'est un personnage de fiction, mais il a l'air sympa. Une sorte d'inspecteur Cølumbø du Danemark. Il est humain, il choppe la grippe au pire moment de son enquête, il a une peur maladive de l'avion... Il n'a pas de chien rigolo aux oreilles qui traînent par terre mais il est flanqué de Rose, une vraie pouf que l'administration policière lui a refourgué pour l'assister parce que ses enquêtes ne sont pas super prioritaires, et un certain Assad, stagiaire syrien qui a parfois du mal avec la langue danoise (mais je ne lui en veux pas car moi aussi) et qui doit se calmer dans ses méthodes d'interrogatoires. 


Vue comme ça, cette bande de Pieds Nickelés a de quoi faire doucement sourire, mais malgré leur apparence pitoyable le trio va résoudre une enquête mal élucidée d'il y a vingt ans, impliquant des psychopathes ultraviolents nourris à Orange Mécanique, très bien insérés dans la haute société, qui ont pactisé dans la violence gratuite depuis leurs tendre jeunesse. Des richissimes protégés par des gens bien placés dans la police et dans la justice. 

L'histoire a du mal à démarrer, j'ai repris le début du roman trois fois avant de comprendre ce qui se passait, mais c'est sans doute moi qui suis lent de la comprenette. Après, une fois le quart du livre entamé, c'est glauque, écœurant, plein de sang, de haine sans objet et de viols, stressant à la fin. Le chef du Département V est un bon. J'ai commencé par hasard par le deuxième opus de cette série, mais je m'empresserai de tenter le premier. 

La page 77

Dorénavant vous pourrez voir la page 7 ou la page 77 du livre ou de la BD que je chronique (selon mon humeur et le nombre total de pages). Pourquoi 7 ou 77 ? Parce que. 


Profanation, par Jussi Adler-Olsen. Le Livre de poche. 

dimanche 17 janvier 2016

"Maris et Femmes" sur les planches : Tu es sûre que tu m'aimes ?


En lui offrant deux places pour aller voir cette pièce, j'avais bien dit à ma mie qu'elle ne cherche aucun message sous-jacent de ma part, quant au titre ou à la thématique. Ni clin d’œil en faveur d'une demande en mariage que nous n'avons point contracté et que je ne pose pas, ni allusion discrète à une improbable fatigue personnelle de la vie de couple avec elle, que Woody Allen sait si bien dépeindre en général, et dans cette pièce en particulier. Précision utile. 

Car du Woody Allen, on en retrouve des vrais morceaux traditionnels : il y a des références aux psys, à Manhattan, au romantisme de Paris, à l'ironie de l'amour... Tout cela avec des maris et des femmes, qui se mentent entre eux, mais surtout qui se mentent à eux-mêmes, certains qui se croient amoureux alors qu'ils se trompent (dans tous les sens du terme), et d'autres qui se croient en fin de parcours alors qu'ils ne peuvent se passer l'un de l'autre...

C'est drôle, bien joué, super rythmé en saynètes qui parfois se superposent subtilement, bref cette pièce est un vrai morceau de joie malgré la gravité du sujet. A partager avec Madame, ou Monsieur, comme il se doit, afin de nourrir des discussions animées en rentrant à la maison : Tu m'aimes ? Tu es sûr(e) ? Tu as déjà pensé à me quitter ? Tu veux vraiment voir un psy ?...

Maris et Femmes, de Woody Allen. Mise en scène Stéphhane Hillel, adaptation Christian Siméon. Avec Florence Pernel, José Paul, Hélène Médigue, Marc Fayet, Astrid Roos, Emmanuel Patron. Au Théâtre de Paris.