vendredi 24 mars 2017

L'Ambulance 13, tome 7 : Une ambiance de fin de guerre


Après la mort d’Émilie, Bouteloup est désespéré. Ses deux amours, son père et trop de ses amis ont été tués au cours de la Grande Guerre. Mutilé de la face et mis en disponibilité, il se sent inutile. Jusqu’au jour où le lieutenant-colonel d’Avrainville lui demande d’accompagner la folle équipée du général Jouinot-Gambetta en Orient. Louis accepte, à condition de reformer l’Ambulance 13. Au terme du voyage : Uskub, théâtre à venir de la dernière charge de la cavalerie française.
(Présentation éditeur)


Si cela ne parlait pas d'une des guerres les plus sanguinaires et cyniques de l'histoire, on pourrait appeler L'Ambulance 13 une série hospitalière. Mais le décors est celui de la guerre 1914-1918, et l'intrigue s'appuie sur la mise en place d'un service de santé "moderne" au sein de l'armée française, pour sauver les soldats ou les remettre d'aplomb pour retourner au combat. Autant dire, un service aux premières loges de la souffrance des Poilus ou de ce qui en reste après une ou deux montées au front. Autant dire (bis), rien de drôle, rien de léger. Le "héro" de la série, Louis-Charles Bouteloup, jeune officier médecin, il n'en reste pas grand chose dans ce 7e opus. Gueule cassée - il camoufle la moitié de son visage ravagé sous un masque -, vie brisée - la femme qu'il aime est morte mais vient hanter chacun de ses instants -, il s'accroche plus ou moins à la vie en se plongeant dans sa mission de sauver des vies humaines. Non plus dans le cloaque des tranchées marnaises, mais, cette fois-ci, sur une autre front, celui de l'Orient. Ce qui transporte, au passage, le lecteur dans des paysages tragiquement splendides magnifiquement dessinés par l'excellent Alain Mounier.
Mais sous ces paysages nouveaux et somptueux, l'histoire de Bouteloup transpire la fin de vie. Et sans doute aussi, la fin de série au prochain tome.

Un peu plus d'anatomie que dans les précédents albums.


Cinq étoiles

Au-delà de la dépression du jeune médecin - on y sombrerait à moins - le scénario a du mal à nous emporter, plongeant plus souvent que dans les épisodes précédents dans des considérations chirurgicales à coups de terminologies anatomiques qui ne parlent qu'aux "professionnels de la profession". La BD reste d'une grande qualité, la série mérite cinq étoiles (pas celles des gradés toujours aussi meurtriers dans cette boucherie historique !). Et au moins, contrairement à une série hospitalière télé, elle aura le bon goût, très certainement, de finir son histoire, de boucler la boucle, et de reposer en paix.

La page 7


L'Ambulance 13, tome 7. "Les Oubliés d'Orient". Patrice Ordas, Alain Mounier. Editions Bamboo. Octobre 2016. 

vendredi 17 mars 2017

Soda n°13 : Une résurrection dure à vivre


Comme chaque année, ignorant toujours le vrai métier de son fils, Mary Solomon réclame une simple rose pour son anniversaire, mais pas n'importe laquelle : une de ces délicates roses blanches que son ami fleuriste vend désormais à la sauvette dans une proche station de métro.
Mère et fils arrivent ensemble sur place, mais tandis que le "pasteur" Soda négocie avec le vieux vendeur l'achat de tout son stock de roses, Mary a l'attention attirée par un personnage sombre, à la physionomie vaguement orientale, porteur d'un sac à dos.
Ce dernier a, par inadvertance, laissé tomber une enveloppe contenant une importante somme que Mary, s'éloignant de son fils pour trottiner dans la foule des navetteurs, tente de lui restituer. Mary est cardiaque, pas bien agile, mais au bout d'une ou deux minutes, elle parvient néanmoins à interpeler timidement l'inquiétant personnage. Dissimulant mal sa surprise, il s'empresse de s'éloigner avec l'enveloppe... avant de se raviser... pour glisser à l'oreille de la vieille dame : "Ces jours-ci, ne prenez surtout pas le métro !"
Soda ne prend connaissance de l'anecdote que Mary lui confesse naïvement que dans la soirée. Il se lance alors avec 8 heures de retard sur la piste de Khalid Cheik.
(Présentation éditeur)

Ne dites pas à sa mère qu'il est flic, elle le croit pasteur. Un mensonge œdipien (je vous épargne l'analyse psy) qui constitue le fil rouge de Soda, une bonne série d'action policière au décor new-yorkais, légère et pleine de suspens. C'est bien simple, ça s'agite comme dans Starsky et Hutch, mais en plus subtil. 

Soda vit chez sa maman, c'est un bon fils, il part le matin habillé en pasteur, sa mère lui souhaite une bonne journée à distribuer la bonne parole, il se change dans l'ascenseur et se retrouve en bas de chez lui en tenue de flic, prêt à distribuer les coups et les balles. Et depuis douze aventures, c'est comme ça, et ça se passe avec des bing et des paf, des énigmes, du suspens.

Sorti en 2014 (oui ça commence à dater, permettez-moi de prendre le temps que je veux), attendu depuis neuf ans pour des raisons que je vous laisse lire ici, ce tome 13 a une caractéristique : il est glauque. Est-ce que c'est le nouveau dessinateur de Soda ? Non, le trait de Dan Verlinden, et son style, sont  propres et dynamiques et restent dans la lignée des albums précédents. Est-ce le scénariste ? Le grand Philippe Tome est toujours à la barre, comme aux premiers pas de son personnage. La raison est sans doute à chercher dans l'histoire encore récente de New York, ville qui fait partie intégrante de la série, qui lui en donne le ton, l'univers, le contexte, la couleur, la violence et presque l'odeur. New York, c'est un compagnon de Soda. Or, New York a été agressée en 2001. Il fallait en parler un jour. Les auteurs de la BD semblent avoir voulu exorciser ces attentats, et ont donné un cadre "terroriste" à l'intrigue. Là où, jusque là, les histoires de Soda avaient un petit air d'insouciance, de série télé, celle du numéro 13 est grave, sombre, déprimant. Le personnage principal est lui-même déprimé. Il vaut mieux avoir le moral pour lire cet album. La "résurrection" (son titre), une expérience manifestement dure à vivre...

La page 7



Soda, tome 13. Résurrection. Par Dan et Tome. Ed. Dupuis. 2014. 

vendredi 10 mars 2017

Les Yeux rouges du Caïman : Un polar sur le Mur, qui picole très très dur



A Loguivy-de-la-mer, près de Paimpol, l’ex-flic Pogam lance une page facebook, à la recherche d’une affaire trouble à laquelle se mêler. Et pour ça, il va être servi ! Son pote, Harteau,le branche sur un trafic de diamants. Tout s’enchaîne coup sur coup : une blonde mystérieuse roucoule avec qui faudrait pas, un type se fait descendre et Baudouin, son pote Baudouin, qui ne trouve rien de mieux qu’à les lui casser avec son caïman empaillé ! Un vrai sac de nœuds.
(Présentation éditeur)

Un polar à suivre au travers des posts que le narrateur dépose sur son mur Facebook : l'idée est originale. Bien sûr la vraisemblance n'est pas au rendez-vous, car on voit mal un enquêteur dévoiler ses avancées sur un réseau social aussi exposé à tous les vents virtuels de la toile. Même si l'enquêteur en question est un flic défroqué et un alcoolique défoncé.
Mais tout cela n'est pas très grave, le support rédactionnel de ses pérégrinations permet toutes les libertés narratives, et nous voilà embarqués dans ses pensées, dans ses enthousiasmes, dans ses gueules de bois, et surtout dans son aventure un tantinet tarabiscotée. Et comme justement monsieur n'a pas toujours l'esprit très clair, le lecteur peut être rattrapé par une forme de réalisme : on n'est jamais très loin de s'embourber dans la confusion d'un personnage sans doute un peu trop imbibé... Heureusement l'histoire en elle-même, une fois qu'on en a saisi le fil, n'est pas spécialement compliquée. Elle est même parfois un peu prévisible. Mais pour l'originalité de l'ensemble, le style très enlevé, imagé et dynamique, je n'hésite pas : je like et je partage.

La page 7



Les Yeux rouges du Caïman, de Jo Mével. Editions L'Arlésienne. 42 pages. 2016. Pour acheter cet ebook, c'est ici.