lundi 23 mars 2015

Silas Corey et le Testament Zarkoff : on exige la suite, et vite !


Mais kesseucé que ce nom bizarre de Silas Corey ? J'ai dû m'y reprendre à trois fois quand j'ai demandé à mon libraire BD favori le dernier album de ce héros au sourire si doux - non, cruel parfois -, ce détective mystérieux qui fut journaliste et soldat, qui travailla en sous-main pour le gouvernement français pendant la guerre 14-18 (selon les deux premiers tomes "Le Réseau Aquila") et qui maintenant, démobilisé, faisant (un peu trop) la fête en ce 11 novembre 1918, va se retrouver embarqué dans une nouvelle aventure. Bref, Silas Corey c'est un peu compliqué à retenir, mais il se serait appelé Georges Petibidon, c'était foutu d'avance.

Mais kesseucé que cette aventure ? Dans ce premier diptyque "Le Testament Zarkoff", c'est donc la fin de la guerre, Silas machin est bourré dans un bar à putes, et on vient le chercher parce qu'un de ses potes, également détective, vient de se faire poignarder et il a dit avant de mourir "Zarkoff, Wotan, tue-les..."

Mais kesseucé que cette énigme de ouf, mais bon sang de bon soir comment ça vous prend aux tripes de savoir, que même dans les jeux télé de fin de journée on n'a pas eu cette idée saugrenue, ce suspens trifouillant les entrailles mais ça devrait pas exister !

Mais si, ça existe, et ça, c'est une énigme mystérieuse, mêlant la fripouillerie, le génie, les bons et les méchants, les intérêts de l'Etat, les intérêts particuliers, qui plait à Machin Corey. Et blague à part, c'est bien foutu parce qu'à la fin de cet opus, on a envie d'appeler les auteurs - l'excellent scénariste Fabien Nury et le néanmoins talentueux dessinateur Pierre Alary - pour leur exiger - oui, exiger ! car nous avons payé pour voir, palsambleu ! - de livrer la suite là maintenant séance tenante tout de suite immédiatement (et je ne reculerai devant aucun synonyme n'insistez pas).

Bref, kesseucé que cette BD ? De la bonne histoire, très bien documentée sur la vie quotidienne et les réalités de l'époque, bien construite, bien dessinée. Et j'exige toujours la suite là tout de suite. Non mais kesseucé ces manières ?

Silas Corey - Tome 3 - Le Testament Zarkoff 1/2 - Fabien Nury (scénario) et Pierre Alary (dessins). Editions Glénat. Janvier 2015.


vendredi 13 mars 2015

Revue Dessinée de printemps : la justice à la barre



C'est le printemps, le soleil revient, les oiseaux chantent, et la Revue Dessinée n°7 de cette belle saison vient de paraître. Malgré le beau temps qui revient, ce numéro n'est pourtant pas des plus radieux. Non pas en termes de qualité : cette revue tient la tête haute dans son offre de très bonnes enquêtes journalistiques en BD. Mais les sujets sont particulièrement sombres. Au menu : de graves perversions aux sommets des Etats, en France, en Europe, en Afrique, qui font froid dans le dos de n'importe quel citoyen iota (pour changer de "lambda"). 

Qu'on en juge : suite de l'enquête sur le Service d'action civique (le SAC) entamée dans le précédent numéro ; plongée dans le système des "biens mal acquis" par des dictateurs africains avec la bénédiction de la France ; analyse de l'obscure politique migratoire de l'Europe et des milliers de migrants morts en quinze ans pour avoir voulu escalader la forteresse européenne.


"Tous pourris" ? Que nenni !

A leur lecture, il faut avoir le cœur bien accroché. Parce que ce qui est dénoncé dans les trois plus grosses enquêtes de ce numéro met en cause des responsables politiques de haut niveau, leur connivence avec des mafias ou leur corruption par d'autres puissances politiques ou industrielles. Et la tentation serait grande, à seulement survoler les sujets, de se vautrer dans le populiste "Tous pourris !" Sauf que ce n'est pas l'objet ni le ton de cette revue. Elle appelle au contraire à une démarche positive et mobilisatrice : l'exigence de justice.

Justice face aux assassinats et aux activités mafieuses en tous genres perpétrés par le SAC. Justice pour ces Africains maintenus dans la pauvreté pendant que leurs dirigeants nagent dans l'opulence avec des propriétés mobilières luxueuses sur Paris notamment, et corrompent, dans un système impliquant des sociétés pétrolières, des pans entiers de la gent politique française. Justice pour ces migrants qui n'ont pas d'autres choix que de fuir leur pays et qui meurent en Méditerranée (27 000 en quinze ans), drame face auquel la seule réponse de l'Europe est d'enrichir des industriels de la défense en achetant des appareils toujours plus sophistiqués pour repérer les migrants, alors qu'"aucun mur, aucun radar ne peut rendre une frontière totalement étanche"...

Justice aussi que celle, "ordinaire", prononcée par les juges d'instance, dont un reportage dessiné présente les réalités quotidiennes, celles dont a affaire des gens "normaux", parfois dans la détresse, mais qui bénéficient au moins d'un système cadré par des règles démocratiques.

En dessinant les bons, les brutes et les truands, la Revue Dessinée contribue à expliquer, dénoncer, en un mot à faire la lumière. Justement, les sujets sont sombres, mais après les attentats de janvier, face à l'obscurantisme, et en empruntant à un célèbre livre sans dessins, on a envie de s'écrier "Que les Lumières soient". Tenir bon sur la liberté d'expression, sur la liberté de la presse, c'est la meilleure réponse à faire à ceux qui ont voulu, par la terreur, attaquer des valeurs fondamentales. 

La Revue Dessinée n° 7 - Printemps 2015. www.larevuedessinee.fr

dimanche 1 mars 2015

Une semaine médiatique qui a touché le fond sans le soulever

Ah bien sûr certains d'entre vous diront qu'il y a plus grave et que notre pays devrait plutôt se pencher sur le chômage ou les risques d'attentats. Non mais et puis quoi encore ? Cette semaine médiatique ne vous a pas suffit pour comprendre où sont les vrais enjeux ? Et les vraies responsabilités ?

Prenez la chanson des Enfoirés : en voilà une chanson qui a fait couler des litres d'encre, saturé les ondes, occupé des JT... Je ne l'ai pas entendue, ou à peine quelques secondes et en plus je n'ai pas compris les paroles. Mais apparemment ça dirait des méchancetés sur les jeunes d'aujourd'hui. Les défenseurs du morceau disent que non pas du tout, c'est une invitation au dialogue entre générations. J'imagine que ce débat doit passionner les bénéficiaires des Restos du Coeur. 



Autre sujet de la semaine vraiment passionnant : mais bon sang de bonsoir, quelle est la couleur de cette robe ? Comment vous dire... Au-delà des passionnants sujets sur les illusions d'optique que cette polémique profonde a permis de pondre dans les médias (et le pire c'est que c'est intéressant), il y a bien quelqu'un en vrai qui a porté cette robe, ou qui l'a achetée, ou fabriquée. Il doit savoir la réponse lui, non ? Ah oui tiens, on lui a demandé ? Enfin pour en arriver à se poser ce genre de questions, j'avoue qu'il y a un problème. Une chose est sûre, le débat doit prendre aux tripes des ouvrières du textile qui ne fabriquent plus de robes depuis des années : elles sont au chômage.

Continuons dans cette folle période : un industriel, Martin Bouygues, est mort, dit l'AFP. Et hop tout le monde reprend l'info sans vérifier. Pas de bol il est vivant. Mais c'est la faute au maire du village voisin, qui parlait de M. Martin au journaliste. M. Martin est mort, lui. C'est vrai que ça passionne l'AFP, la vie (ou la mort) de M. Martin. Normal de parler d'un inconnu à l'envoyé spécial d'une agence de presse. Et normal qu'un journaliste normalement constitué ne se casse pas le fondement à vérifier l'info. Mort ou pas, voilà de quoi animer les débats des pédagogues qui tentent d'inculquer la rigueur aux enfants et aux jeunes. 



Et pour finir (mais est-ce vraiment fini ?) j'ai bien aimé cette une du Parisien, qui annonce que l'immobilier "Ca baise et ce n'est pas fini". Ah ah ! La faute de frappe de fou. Repris en choeurs sur les réseaux sociaux, et même par certains médias (en Suisse notamment), personne n'est allé vérifier que c'était une fausse une, un "fake". Et pof. Encore une fois, tout va trop vite ma bonne dame, on ne va pas tout vérifier, des fois qu'un concurrent aille plus vite que nous et qu'on se fasse engueuler par le patron et qu'on perde des clients ! On ne peut même pas en vouloir à ces pauvres relais de fausses infos quand ils sont payés pour être plus forts que les autres. L'éthique, dans ces conditions de soumission à l'économique, a bien du mal à s'épanouir. 

Alors je vous le dis haut et fort : ok on vit dans une société de la vitesse, du sensationnel, du vite-fait. La responsabilité, on verra plus tard. Eh bien moi aussi alors : et je vous dis qu'on en reparlera très vite de ce type vêtu d'une robe pas nette qui fait des fautes de frappe et qui insulte les jeunes. Parce qu'il est mort, le gars. 
De source sûre. 

Finalement, vous voyez, cette semaine médiatique soulève des sujets de fond. Non ?