vendredi 13 mars 2015

Revue Dessinée de printemps : la justice à la barre



C'est le printemps, le soleil revient, les oiseaux chantent, et la Revue Dessinée n°7 de cette belle saison vient de paraître. Malgré le beau temps qui revient, ce numéro n'est pourtant pas des plus radieux. Non pas en termes de qualité : cette revue tient la tête haute dans son offre de très bonnes enquêtes journalistiques en BD. Mais les sujets sont particulièrement sombres. Au menu : de graves perversions aux sommets des Etats, en France, en Europe, en Afrique, qui font froid dans le dos de n'importe quel citoyen iota (pour changer de "lambda"). 

Qu'on en juge : suite de l'enquête sur le Service d'action civique (le SAC) entamée dans le précédent numéro ; plongée dans le système des "biens mal acquis" par des dictateurs africains avec la bénédiction de la France ; analyse de l'obscure politique migratoire de l'Europe et des milliers de migrants morts en quinze ans pour avoir voulu escalader la forteresse européenne.


"Tous pourris" ? Que nenni !

A leur lecture, il faut avoir le cœur bien accroché. Parce que ce qui est dénoncé dans les trois plus grosses enquêtes de ce numéro met en cause des responsables politiques de haut niveau, leur connivence avec des mafias ou leur corruption par d'autres puissances politiques ou industrielles. Et la tentation serait grande, à seulement survoler les sujets, de se vautrer dans le populiste "Tous pourris !" Sauf que ce n'est pas l'objet ni le ton de cette revue. Elle appelle au contraire à une démarche positive et mobilisatrice : l'exigence de justice.

Justice face aux assassinats et aux activités mafieuses en tous genres perpétrés par le SAC. Justice pour ces Africains maintenus dans la pauvreté pendant que leurs dirigeants nagent dans l'opulence avec des propriétés mobilières luxueuses sur Paris notamment, et corrompent, dans un système impliquant des sociétés pétrolières, des pans entiers de la gent politique française. Justice pour ces migrants qui n'ont pas d'autres choix que de fuir leur pays et qui meurent en Méditerranée (27 000 en quinze ans), drame face auquel la seule réponse de l'Europe est d'enrichir des industriels de la défense en achetant des appareils toujours plus sophistiqués pour repérer les migrants, alors qu'"aucun mur, aucun radar ne peut rendre une frontière totalement étanche"...

Justice aussi que celle, "ordinaire", prononcée par les juges d'instance, dont un reportage dessiné présente les réalités quotidiennes, celles dont a affaire des gens "normaux", parfois dans la détresse, mais qui bénéficient au moins d'un système cadré par des règles démocratiques.

En dessinant les bons, les brutes et les truands, la Revue Dessinée contribue à expliquer, dénoncer, en un mot à faire la lumière. Justement, les sujets sont sombres, mais après les attentats de janvier, face à l'obscurantisme, et en empruntant à un célèbre livre sans dessins, on a envie de s'écrier "Que les Lumières soient". Tenir bon sur la liberté d'expression, sur la liberté de la presse, c'est la meilleure réponse à faire à ceux qui ont voulu, par la terreur, attaquer des valeurs fondamentales. 

La Revue Dessinée n° 7 - Printemps 2015. www.larevuedessinee.fr

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