dimanche 9 février 2014

Arto Paasilinna, un "Potager de malfaiteurs" aux légumes un peu fades



L'écrivain Arto Paasilinna a un nom tellement chiant à écrire qu'on a envie de l'oublier très vite. Mais le finnois c'est comme ça, il y a plein de "a", de "i", de "s" et de "l". Faut faire avec. Mais ce qui relativise l'entame de mon propos, c'est qu'en fait, une fois qu'on a lu du Arto (si vous permettez je vais simplifier), on n'oublie pas. D'abord parce que ça dépayse de lire des histoires où les personnages s'appellent Jyllänketo, Kasurinen, Röpelinen ou Kylmäsaari. Qui évoluent non pas à Manhattan, le Bronx ou La Courneuve, mais dans les forêts de Laponie. Et qui vont se détendre au sauna comme ici on va au bistrot, et qui boivent du vin de groseille à maquereau, mangent des pirojkis, du poisson salé et du renne fumé, et pas un hamburger-bière.
L'écriture elle-même est spéciale. Les histoires sont loufoques mais souvent vraisemblables (dans un monde déjanté certes) et sont racontées presque "à plat", sans superlatif, sans émotion, comme on rédigerait un rapport (plus agréable à lire, je vous rassure), genre "c'est normal". Son passé de journaliste transparaît sans doute là. Et de cecalage entre la quasi-platitude émotionnelle du texte et l'histoire démesurément dingue, naît un sentiment vraiment jubilatoire.
Généralement
Mais pas toujours. 
Arto écrit presque un roman par an, donc il a ses faiblesses. Et là, en 1998, il a dû avoir une faiblesse en écrivant Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison. L'histoire, dans ses grandes lignes, est a priori délirante "à la Arto". Un inspecteur de la sûreté nationale finlandaise enquête sur de mystérieuses disparitions, dans un ancien kolkhose nommé "L'Etang aux rennes", situé aux fins fonds de la Laponie , et qui affiche une prospérité insolente avec une production de champignons et de plantes bio dans lesquels le site s'est reconverti. L'inspecteur se fait passer pour un contrôleur en agriculture biologique, et découvre que les disparus, tous des malfrats à degrés divers, sont employés de force et gratuitement sur le domaine, et en particulier dans les mines transformées en champignonnières. Vue comme ça, l'histoire est drôle et prometteuse. On a même droit à un passage anticapitaliste, avec l'enfermement de PDG bourgeois exploiteurs dans les mines. Et un peu de morale, quand le héro du livre, l'inspecteur Jyllänketo, se retrouve par erreur contraint aux travaux forcés avec les malfrats, et reconnait que "dans son enfance, il avait martyrisé le chat de sa grand-mère, qui était mort d'une inflammation de la prostate après qu'il lui avait passé les couilles au goudron. C'était horrible, et il le payait maintenant."
Sauf qu'il y a des moments de lectures assez longs, c'est un peu poussif, on a même droit à des descriptions inutiles, comme celles des caractéristiques techniques de divers avions dans le chapitre "En quête d'un avion-cargo".
Bref, je n'en veux pas à Arto Paasilinna (qui d'ailleurs s'en fout totalement) parce qu'avant ça, il a écrit Le Meunier Hurlant, Le Fil du Dieu de l'orage, La Forêt des renards pendus, Prisonniers du Paradis ou La Douce Empoisonneuse, qui sont des vrais moments de bonheur. Pour retrouver ce niveau, il faudrait juste qu'il prenne un peu plus de temps pour trouver l'inspiration.

Pour aller un peu plus loin

Mais où est donc ce site de l'Etang aux rennes ? Le roman indique qu'il est dans la commune de Turtola en Finlande.
Arto Paasilinna est un auteur prolifique. Un article sur Bibliomonde résume bien son oeuvre, et explique notamment pourquoi l'auteur sort un livre par an en Finlande, alors qu'en France il n'est édité qu'une oeuvre tous les deux ans environ.
Ah au fait, j'ai cité le pirojki dans mon article un peu plus haut : ça se prépare comme ceci.
Quant aux noms finlandais, en particulier ceux qui se finissent par "nen", ils ont une étymologie particulièrement vivante et pleine de poésie : c'est ce qu'explique cet article. Ca vaut le détour.


Le Potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison. Arto Paasilinna. Ed. Denoël, coll. Folio. 375 pages.

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