samedi 17 décembre 2016

Revue Dessinée 14 : Se libérer de ses entraves


Le dessin de couverture de ce 14e numéro de la Revue Dessinée résume bien une grande partie des sujets traités. Il faut se dé-ficeler, se libérer, se dénouer, sinon c'est la chute assurée. Se libérer de quoi ? De tout. Des entraves physiques bien sûr, mais aussi celles, plus symboliques, qui nous maintiennent dans l'obscurité, dans l'ignorance, dans l'erreur.


Sortir de sa cage, physique et mentale, comme l'analyse la rubrique Instantané, à partir d'une photo de Raymond Depardon prise dans un asile psychiatrique italien en 1978, représentant un "fou" coincé dans une cage. Se libérer d'un régime totalitaire, avec la narration heure par heure de la chute de Ben Ali, en Tunisie, ouvrant la saison du "printemps arabe". Se méfier des discours sur l'ennemi intérieur, qui permettent toutes les dérives autoritaires de la part des dirigeants d'un pays, avec une belle démonstration historico-politique sur la "7e arme". Ne pas se laisser manipuler par les objets connectés, dans une excellente démonstration dessinée de leurs pouvoirs positifs et négatifs. Douter de tout, et même des chiffres, quand les statistiques de Pôle Emploi peuvent être manipulées par les gouvernements pour "planquer" quelques centaines de milliers de chômeurs.

Attention à la facilité du "bon ton"

Sur ce sujet, permettez-moi de douter aussi de la Revue Dessinée. Certes, la catégorie A des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle Emploi est extrêmement limitée pour avoir une vision réaliste de l'état du chômage en France. Or, c'est sur elle que focalisent les médias et les réactions politiques. Le fait de former massivement les chômeurs les fait basculer dans la catégorie dite "D" car ils sont alors considérés comme n'étant plus en recherche active d'emploi : c'est un moyen de les faire disparaître (momentanément au moins) de la catégorie A où ils étaient jusque-là, certes. Mais je préfère un programme massif de formation des demandeurs d'emploi que rien du tout. Il faudrait plutôt que les médias s'extraient d'une forme de paresse intellectuelle qui consiste à commenter uniquement la catégorie A (qui comptabilise les personnes n'ayant pas du tout travaillé dans le mois précédent, et qui ne représente qu'un bout du problème du chômage), alors que les statistiques fournies chaque mois par le ministère du Travail sont une mine d'or pour que chaque journaliste mette en lumière le poids du chômage et de la précarité. Il est de bon ton d'attaquer les gouvernements et leurs tentatives de manipulation, mais là, il revient bien aux médias - et la Revue Dessinée le fait d'ailleurs très bien dans ce numéro - de faire leur travail d'analyse, car ils ont tout en main sans avoir besoin de commenter les commentaires des gouvernants. J'ai vu que la Revue Dessinée s'était alliée à Médiapart sur d'autres types d'infos (sur les présidentielles) : attention à ce que la qualité de la revue ne vienne pas se déliter dans un parti-pris extrémiste, dans une démarche finalement contraire à l'idée d'émancipation.

Enfin, comme l'émancipation c'est aussi la culture populaire, saluons les chroniques plus légères de cette revue : oui, on a besoin d'autres horizons (et apprendre à pratiquer le surf...), de connaissances rigolotes (et savoir d'où vient la dinde qui sera dévorée à noël, ou le LSD qui sera absorbé au réveillon du premier de l'an), d'histoires d'amour racontées au cinéma (avec une belle narration du "Mari de la coiffeuse"...). Bref, s'informer, se cultiver, apprendre, s'amuser, c'est vivre, c'est se débarrasser de ses liens. Alors vivons.

La Revue Dessinée n° 14 - Hiver 2016-2017. 

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