samedi 8 octobre 2016

14-18, Le Colosse d'ébène : Arsène est un con, mais il n'est pas le seul


La der des ders au quotidien. Février 1916 voit le commencement de la bataille de Verdun, l’une des plus meurtrières de la Grande Guerre. Un déluge d’obus s’abat sur nos héros. Tous ne se relèveront pas…
Verdun, 21 février 1916. L’artillerie allemande débute le pilonnage systématique du secteur dans
le but de « saigner à blanc l’armée française ». Parmi les renforts qui affluent, la présence de tirailleurs sénégalais crée des tensions dans la troupe. C’est dans ce contexte que la compagnie commandée par Armand est envoyée au fort de Douaumont sur le point d’être pris par l’ennemi…

(Présentation éditeur)

La série 14-18 poursuit son évocation de la première guerre mondiale au travers des histoires singulières d'un groupe de copains venant d'un même village et confrontés aux mêmes atrocités du front. Dans ce cinquième opus (le précédent, "La Tranchée perdue", est chroniqué ici), nous sommes en février 1916 et le calvaire des combattants se fait long, très long. Surtout avec une hiérarchie militaire au-dessous de tout, sans véritable stratégie si ce n'est celle d'amasser le plus de chair humaine face aux canons ennemis en se disant qu'il en restera bien un peu de vivante pour crier victoire.
Pendant qu'à l'arrière les femmes travaillent pour remplacer les hommes dans les usines d'armement (et elles sont "plus résistantes" qu'eux, "du coup le rendement est plus intéressant", dit la femme d'un des petits soldats de la série), sur le front on tente d'éviter les millions d'obus qu'elles produisent. Et la France coloniale, non contente de presser le citron des pays africains occupés en exploitant leurs matières premières, n'hésite pas à exploiter aussi leurs matières humaines, en extrayant les indigènes de leurs villages ensoleillés pour les envoyer combattre dans le froid, la pluie et la fureur de l'est et du nord de l'Hexagone.

Normal qu'ils se fassent tuer

Et c'est là qu'intervient Arsène, un des compères du groupe de petits soldats. Et Arsène est un con. Un vrai. Les Noirs ? Des babouins, des singes, des sous-hommes. Leur parler, c'est pactiser avec... avec qui ? quoi ? Il ne sait pas : il est con. Les Africains, on leur a apporté la civilisation, normal qu'il viennent se faire tuer pour sauver le pays. Il a beau se faire rabrouer par ses copains, qui le traitent de con - c'est vrai, qu'est-ce qu'il est con... - il continue et provoque un de ces "négros".

Sans vouloir spoiler, la morale de l'histoire sera sauve, et émouvante. Certes l'intrigue est pour le coup un chouïa trop angélique, car en 1916, la plupart des combattants étaient certainement aussi racistes qu'Arsène qui, dans cet album, est seul à défendre sa bêtise. Mais l'épisode permet de rappeler le rôle éminent des populations africaines colonisées dans la défense de nos frontières lors de cette guerre (et de bien d'autres, d'ailleurs). Il nous confirme également qu'il y a une personnalité politique actuelle qui est au moins aussi con qu'Arsène : si on est Français aujourd'hui, c'est peut-être parce qu'il y a eu des Gaulois à une époque. Mais plus récemment, c'est aussi parce qu'il y a eu des Africains, et des tas d'autres étrangers solidaires, qui nous ont permis de le rester.

La page 7


14-18 : Le Colosse d'ébène (Février 1916). Tome 5. Corbeyran et Le Roux. Ed. Delcourt. 2016.

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