mercredi 3 février 2016

Les Mauvaises gens : Le militantisme qui libère ici et maintenant


Étienne Davodeau vient d'une région catholique et ouvrière, les Mauges. Ses propres parents sont un parfait exemple de gens, dont l'éducation s'est forgée entre l'église et l'usine, mus très vite par la volonté d'agir. Leur parcours et leurs aspirations sont ceux d'une France à la recherche de justice et de progrès social, de l'après-guerre à l'élection de Mitterrand

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La BD date de 2005 mais ses enseignements peuvent marquer toutes les époques. En racontant simplement l'histoire de ses parents, Etienne Davodeau a produit un argument massue et durable contre les réflexes antisyndicaux caricaturaux, contre la méfiance trop souvent exprimé face à l'action collective, et pour la diffusion des bienfaits de l'éducation populaire. De nos jours où certains discours remettent en cause l'utilité du syndicalisme, cette BD rappelle qu'il a vocation, très concrètement, à changer la vie quotidienne des salariés, des gens en général, et donc au final la société, ici et maintenant. Pas dans 50 ou 100 ans, comme veulent nous le chanter certains syndicats et mouvements politiques extrémistes, qui nous promettent un monde meilleur en un horizon lointain, justifiant de ne rien construire aujourd'hui, pour ne pas gâcher cette vision si belle d'un horizon si beau qu'on admire chaque grand soir avant d'aller se coucher...

Elle nous rappelle aussi que l'engagement - à la JOC ou à la CFDT, comme les "héros" de cette histoire - permet d'apprendre, de s'éduquer, de mieux comprendre le monde dans lequel on vit. Alors que tant de mouvements, des plus manifestement obscurantistes aux plus apparemment démocratiques, préfèrent que l'ignorance s'impose. Individuellement, ces engagements permettent de sortir de la "condition" dans laquelle il serait tellement plus commode que chacun s'embourbe pour que l'ordre règne.

L'émancipation en actes

Et tout cela est très concret, très humain, très émouvant et surtout très digne, sans flonflons, sans discours grandiloquents, au cœur des réalités politiques de chaque époque traversée, bousculant sans les briser les traditions culturelles locales ou familiales. Oui, on peut vouloir changer le monde, améliorer la vie des gens par l'action collective, transformer la société à petits pas, conquérir des droits, tout en restant attaché à la nécessité de baptiser les enfants ou de se marier à l'église.

C'était une autre époque, dira-t-on. Une époque de reconstruction, de mutations industrielles, démographiques et démocratiques profondes. Et aujourd'hui, alors ? Regardez : nous sommes en pleine révolution numérique, des mouvements démographiques et migratoires importants se produisent, et la démocratie est percutée par des difficultés à redéfinir un "vivre ensemble" et un projet commun. Le contexte est différent, certes. Mais les ressors qui poussent à s'engager dans le monde réel, ici et maintenant, sont toujours là. "Mauvaises Gens" montre comment la génération précédente à mis l'émancipation en actes. Cette exigence est toujours là. A méditer avant d'enfiler ses pantoufles en regardant passivement par la fenêtre le monde changer.


La page 77


Les Mauvaises gens, de Etienne Davodeau. Editions Delcourt. 2005. 

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