mercredi 24 décembre 2014

Metronom' : La culture attaque le glauque



Ce qui frappe d'emblée dans l'univers de Metronom', c'est la glauquitude des lieux. Les couleurs sont sombres, dominantes bleues ou brunes. On est bien sur Terre, on ne sait pas trop dans quel pays, et on ne sait pas trop dans quel futur non plus, mais c'est franchement pas joyeux d'y vivre. Le niveau technologique semble élevé, mais tout est sale, plein de détritus, comme une dalle de ville nouvelle mais en plus crade et délabré encore. Ça sent la merde et l'huile de moteur à pleines pages.
Les gens sont sous le joug d'une dictature, qui prétend donner la parole aux citoyens par le biais de référendums truqués, destinés à légitimer des décisions aussi délirantes que l'interdiction du suicide. Le tout sous un régime de corsetage de la presse qui n'a rien à envier aux dictatures actuelles ou passées de tous poils. Dans cet univers oppressant et répressif, seuls les oiseaux, omniprésents et polluant de pattes de mouches chaque vue d'extérieur, semblent libres. 

L'histoire elle-même recèle pas mal de dimensions - romanesque, science-fictionnelle, aventurière, policière... - mais la dimension politique est prépondérante : face au pouvoir dictatorial et totalitaire, un groupe d'individus agit pour la liberté. Par la meilleure arme de ceux qui n'ont pas de force armée : la culture. Ils préparent clandestinement une pièce de théâtre qui dénonce le totalitarisme. Et surtout ils diffusent discrètement un livre qui dénonce par allégorie les abus du pouvoir : le Métronome. En espérant que les esprits embrigadés de ceux qu'on ne peut même plus définir comme "citoyens" soient réveillés par ces pages et se révoltent pour obtenir leur émancipation. Parallèlement, d'autres individus, dont un vrai journaliste, sont en quête d'informations sur un virus qui a atteint des éboueurs de l'espace - et parmi eux le mari d'une héroïne de l'histoire -, virus dont l'existence est cachée par le pouvoir. 

Un grand dessein culturo-émancipateur

Au terme du 4e et (provisoirement) dernier épisode, on semble pas loin du dénouement. Avec des tas de questions en suspens. Que vont devenir les deux personnages qui cherchent la vérité sur ce virus, et qui sont dans de sales draps depuis qu'ils se sont fait chopper par la police dans le dernier opus ? Que vont devenir les rebelles et leur grand dessein culturo-émancipateur ? Le totalitarisme tombera-t-il à la lumière du Métronome ? Ce serait en tout cas une des rares fois dans l'histoire de l'humanité qu'une rébellion interne renverse à elle seule une dictature, sans intervention ou pressions extérieures. Contre l'occupation nazie, des résistants certes, mais aussi des Alliés. Contre l'occupation britannique en Inde, l'action de Gandhi soit, mais aussi la pression internationale. Contre l'apartheid sud-africain, un Mandela bien heureusement, mais aussi un boycott économique et politique quasi mondial... Contre le communisme du bloc soviétique, des dissidents courageux, mais aussi un étranglement économique.

Or là, dans cette histoire, point d'acteurs externes pour l'instant en vue. Juste quelques individus courageux, de ceux dont on se dit : "Si je vivais là, j'aimerais être l'un d'eux". Aurions-nous ce courage ? Mais ne boudons pas notre plaisir de lire l'apologie de l'émancipation, et rappelons-nous qu'il reste du boulot pour éradiquer la folie totalitaire dans pas mal de contrées de notre monde actuel. Ceci dit, tant qu'on est devant notre écran d'ordinateur ou de smartphone, on ne fait pas grand-chose, hein ? Mais allez, faut pas culpabiliser.

En attendant, vivement la suite de cette série. Avec enfin une réponse à la grande question : la culture est-elle un rempart contre la barbarie ? Vous avez 5 tomes.

Metronom'. Eric Corbeyran (scénario) et Grun (dessins). Editions Glénat. 4 tomes parus de 2010 à fin 2013.
Il y a même des bandes annonces sur ces BD sur le site de Glénat. Classe. 

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